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05/11/2018 Le Think Tank, Les commissions

Intégration de l’information extra-financière par les analystes et les gérants

Résultats de la première édition du baromètre SFAF

Le 17 octobre 2018, la commission Analyse extra-financière de la SFAF a présenté les résultats de la 1ère édition de son baromètre sur l'intégration de l'information extra-financière, dont l'objectif est de cerner comment ces données sont utilisées par les analystes et les gérants, à l'occasion d'une soirée-débat sur le thème « Quels virages de l'industrie de la gestion d'actifs en matière d'intégration ESG ? » en présence d'experts, d'analystes, de gérants et d'émetteurs.

Corinne Baudoin, co-présidente de la commission Analyse extra-financière de la SFAF, Fabienne Brilland et Lucile de Fraguier, membres de la commission, répondent à nos questions sur cette soirée-débat et sur les résultats du baromètre.

 

Pourquoi la commission Analyse extra-financière de la SFAF a-t-elle lancé un baromètre mesurant l'utilisation des données ESG par les analystes et les gérants ?
Corinne Baudoin : Il ne serait pas logique que l'analyse financière et la gestion d'actifs restent immunes des grandes mutations actuelles. Les bouleversements sociétaux, écologiques et technologiques affectent toutes les activités humaines, tous les métiers doivent s'adapter pour assurer leur pérennité, pourquoi pas les nôtres ?
La question n'est donc plus de savoir si les analystes et les gérants vont intégrer, ou doivent intégrer, des éléments extra-financiers dans leurs pratiques. Il s'agit de savoir comment nous nous y prenons, en cohérence avec l'évolution de la communication financière des émetteurs. C'est pour répondre en partie à cette question que nous avons lancé cette année le première baromètre SFAF mesurant l'utilisation des données extra-financières par les analystes et les gérants.
Premier enseignement de cette enquête : les membres SFAF qui y ont répondu sont en majorité des analystes et gérants mainstream et non des spécialistes de l'ESG… preuve que le virage est engagé.

 

Le stade de la conformité règlementaire semblerait donc dépassé ?
Fabienne Brilland : En effet ! La pratique de l'intégration ESG semble poussée par des motivations intrinsèques : elle apparaît pour 53% des répondants comme une démarche indissociable de l'analyse de performance à long terme des émetteurs.
Les freins mentionnés en premier lieu sont bien connus : la disponibilité, la fiabilité et la standardisation des données ESG, l'absence de définitions homogènes… Pour autant, le manque d'investissement humain et financier dans les équipes de gestion ou d'analyse est rappelé par 29% des répondants. Le changement culturel ne se fait pas en un jour ! Corollaire de ce constat, si l'amélioration des données, des outils et des méthodologies faciliterait l'intégration ESG, la formation et la sensibilisation des équipes en interne sont aussi des sujets pour un quart des répondants. On note toutefois que l'analyse de la gouvernance est d'ores et déjà devenue une pratique mainstream, pratiquée par 85% des répondants.
Les données utilisées par l'industrie de la gestion proviennent à 81% directement des émetteurs, et le dialogue direct est plébiscité à 74%. Mais les analystes et gérants sont friands de toutes les sources d'information disponibles. Avoir des données homogènes et comparables entre émetteurs leur faciliterait le travail. Ils souhaiteraient aussi qu'un lien soit clairement établi entre les indicateurs RSE et la performance financière.
En ce sens, le reporting intégré tiendrait ce rôle, puisqu'il a pour ambition de traduire les enjeux ESG en risques et opportunités pour la stratégie à moyen et long terme. Or, en ce qui concerne la connectivité entre le financier et l'extra-financier ainsi que la prospective, la réglementation vient donner un coup de pouce : la Déclaration de performance extra-financière, attendue pour les rapports de cette année, va exactement dans ce sens.

 

La table ronde organisée à l'occasion de la publication des résultats du Baromètre s'est montrée riche en dialogues éclairés…
Lucile de Fraguier : Si le contact direct avec l'émetteur est en effet privilégié dans la recherche d'information extra-financière, force est de constater à travers ce débat organisé par la SFAF un hiatus entre investisseurs et émetteurs. Deux publics qui ne semblent pas vraiment se rencontrer sur ces thématiques, malgré leurs besoins réciproques.
D'un côté, les investisseurs déplorent l'hétérogénéité des données rendant toute comparaison difficile, une information parcellaire, peu exploitable. Et, plus spécifiquement sur les small et midcaps, un problème de disponibilité des données.
De l'autre, les émetteurs ont le sentiment de fournir des informations de plus en plus denses, d'être contraints par toujours plus de réglementation, de certification, de passer beaucoup de temps à remplir des grilles pour les agences de notation. Tout ceci représente, selon eux, beaucoup de temps, avec souvent des équipes réduites et un coût dissuasif pour les petites capitalisations.
Ils sont bien conscients de la largeur du spectre des sujets : sociaux, sociétaux, environnementaux, gouvernance, dont certains très techniques et pointus nécessitent un investissement significatif.
Mais les émetteurs attendent d'être challengés par les investisseurs et analystes sur ces sujets, pour leur permettre eux-mêmes d'avancer, en somme ils souhaitent un vrai engagement actionnarial.
Aussi, si l'on devait donner un conseil aux investisseurs, ce serait de continuer à intégrer ces sujets ESG, de poursuivre le dialogue avec les émetteurs en rencontrant directement le directeur de développement durable ou le responsable RSE et/ou de challenger directement la direction générale ou l'IR sur ces questions. Ils contribueront, de cette façon, à accélérer la transition des entreprises vers des modèles responsables et durables tout en améliorant la rentabilité de leurs investissements.
Car, à l'inverse, comme l'a souligné Yann Le Fur, co-auteur du Vernimmen, en conclusion de ces débats, un émetteur qui choisirait d'ignorer ces préoccupations se condamnerait à disparaître à terme sous le double effet d'un renchérissement de son coût du capital par rapport à ses concurrents « vertueux » et d'une difficulté croissante à attirer des talents humains.

A propos du Baromètre SFAF :

  • Enquête réalisée auprès des 800 analystes et gérants membres de la SFAF.
  • Questionnaire auto-administré par voie électronique du 12 au 27 septembre 2018 .
  • Taux de réponse : 9%

Retrouvez le communiqué de presse publié à l'occasion de la soirée-débat ainsi que la présentation de Yann Le Fur, co-auteur du Vernimmen et Senior Banker chez Natixis, via ce lien.

Contact : think-tank.nl@sfaf.com