*En prenant un scenario d’inflation forte supérieure à 5%
Evoluant depuis 30 ans dans un environnement de basse inflation, les entreprises ont modifié leur gestion financière et comptable, réduisant les capitaux employés et augmentant le free-cashflow ; les analystes y répondaient en valorisant de plus en plus en DCF. Si le rebond de l’inflation devenait structurel, les entreprises modifieraient leurs comportements (hausse des stocks, hausse des actifs immobilisés), que les analystes devront intégrer en recourant davantage à d’autres outils, notamment l’EV/Sales. Explications de Laurent Dubois, membre de la commission Evaluation de la SFAF.
Sur la comptabilité
A l’actif, la politique d’immobilisation corporels encouragera les achats plutôt que la location, pour éviter les hausses de loyers, tandis que le niveau d’inventaire repartira à la hausse, pour lisser les niveaux de marges brutes et répondre à la demande.
Les entreprises auront un recours accru au factoring, les clients retardant la période de paiement, et le niveau de trésorerie rebondira, payer cash devenant un avantage compétitif.
Au passif, la compétition entre endettement bancaire et capitaux propres repartira : avec le coût de la dette à la hausse, les investisseurs réclameront aussi un coût du capital plus élevé (rendements en hausse). La hausse des taux d’actualisation aura cependant un impact positif sur les engagements à long terme (notamment les retraites).
Sur le compte de résultat, effet volumes et effet prix iront de pair, accroissant les revenus. Qui aura les volumes pourra augmenter les prix, et le contraire sera d’autant plus vrai.
Dans les charges, l’intérêt financier de l’externalisation se posera (l’intérêt opérationnel demeure), qu’il s’agisse du transport, de la logistique, du travail intérimaire, de la sous-traitance des services généraux, etc.
Dans le tableau de flux, enfin, il faudra retraiter les variations liées aux variations des éléments du besoin en fonds de roulement : variation des stocks, des créances clients, des dettes fournisseurs (tous en hausse). Les BFR et niveaux de trésorerie redeviendront volatiles.
Sur les modèles de valorisation
Les modèles s’appuyant sur les flux de liquidités (DCF ou rendement du FCF) seront donc bousculés : non seulement la valeur terminale dans le calcul du DCF subira la hausse du taux d’actualisation supposée induite par la hausse de l’inflation, mais le niveau des FCF futurs en période de forte inflation sera plus aléatoire à calculer, augmentant la prime de risque.
Le PER affectera une prime aux sociétés qui peuvent répercuter ces hausses des prix de biens intermédiaires. Les P/Book Ratio et P/NAV profiteront d’actifs immobilisés progressant plus vite que par le passé et d’une dette nette réévaluée diminuée.
Avec un WACC plus élevé (coût de la dette et COE plus élevés), l’EVA risque d’être sous pression, alors que l’EV/Sales profitera de chiffres d’affaires plus élevés.
Avec des politiques d’amortissements qui vont redevenir très hétérogènes (hausse des actifs immobilisés, baisse du leasing), l’EV/EBITDA sera de nouveau privilégié àl’EV/EBIT.
Enfin, le DDM profitera d’un taux de distribution revu à la hausse et privilégié aux buybacks afin de présenter un taux de rendement du dividende en concurrence avec une OATi. Mais moins de buybacks, moins de relution et, donc, la disparition d’un effet positif pour les BPA et pour le PER.
Seule la valorisation en Sum of the Parts ne sera pas être affectée par le retour d’une inflation forte, tous les autres outils et méthodes seront bouleversés.