Le code Afep-Medef 2020 a été mis à jour sur deux sujets issus de la Loi PACTE : la mixité au sein des instances dirigeantes et les ratios entre la rémunération des dirigeants et celles des salariés dans les holdings de contrôle de groupes importants. Point de vue d'Hubert Mathet, président du groupe de travail « Gouvernance » de la commission Analyse extra-financière de la SFAF.
Le code Afep-Medef 2020 a été mis à jour sur deux sujets issus de la Loi PACTE : le premier concerne l'effort à porter sur la mixité au sein des instances dirigeantes. L'association précise fort utilement dans son communiqué qu'il faut dépasser le simple Comex en élargissant la portée du texte aux cadres supérieurs. Le second sujet porte sur les ratios entre la rémunération des dirigeants et celles des salariés dans les holdings de contrôle de groupes importants, cas de figure « oublié » par l'article L225-37-3 du Code de Commerce.
La mixité au sein des organes exécutifs est une vraie question qui trouve un bon écho dans un article paru dans le Monde le 4 juin 2018 dont voici les plus importants passages : « Le nombre de femmes PDG (aux USA) est en chute libre. Fin mai 2018, elles n'étaient plus que 24 à diriger l'une des 500 premières entreprises américaines du classement du magazine Fortune, après avoir atteint le nombre de 32 en 2017. Les femmes ne se font pas licencier plus que les hommes, selon les chiffres d'Equilar, qui analyse le recrutement des dirigeants. Mais, comme l'explique Jane Stevenson, vice-présidente chez le chasseur de têtes Korn Ferry International, le vivier de patronnes potentielles pour les remplacer est insuffisant. La raison : les femmes ne possèdent pas l'expérience suffisante. Les entreprises ne leur font pas accomplir le cursus idoine, notamment l'exercice de fonctions opérationnelles avec la responsabilité d'un compte de résultat, qui fait qu'un conseil d'administration prendra le risque de les nommer. Pour Jane Stevenson, il faut, dès l'âge de trente ans, changer les cursus des femmes. Pour l'instant, les rares femmes choisies sont nommées à 51 ans, quatre ans plus tard que les hommes et après avoir exercé un emploi de plus qu'eux. »
Cet article est intéressant car il est transfrontalier et remet le rôle du Conseil d'administration au centre du débat, à savoir que les administrateurs ont le sentiment que la promotion féminine les ferait sortir des sentiers battus. Dès lors, pas de risque = pas de femme !
Ainsi que commandé par la Loi PACTE, il est louable que les entreprises cotées fassent état dans leur rapport annuel de leurs démarches de féminisation des instances dirigeantes mais il serait bien mieux que les ou des administrateurs courageux soient les promoteurs de ce changement.
Ce raisonnement prévaut aussi pour les rémunérations des dirigeants exécutifs où les points de repère manquent aux administrateurs (souvent) et aux actionnaires (totalement). À cet égard, la masse salariale d'un groupe rapportée à la rémunération des dirigeants est-elle un indicateur pertinent ?
Ne perdons pas de vue que les rémunérations variables (en grande partie indexées sur le cours de Bourse qui ne font que progresser depuis 2009) constituent entre 50 et 80 % de ces montants qui choquent l'opinion publique.
Il y a cependant mieux que chez les patrons des entreprises non financières : on peut en effet recommander cet article de Bloomberg paru le 11 février dernier, qui relègue Carlos Ghosn et ses rémunérations au rang de débutant.
Ces Hedge Funds et leur société de gestion ont, eux aussi, des administrateurs, souvent les mêmes d'ailleurs ! Entre ces derniers qui se contentent de la calculette pour justifier des excès sans précédent et ceux terrorisés par les risques de carrière, la gouvernance s'en remet encore au législateur pour ce qu'on peut qualifier d'une Loi pour un fait divers, ce qui est loin d'être une panacée.
Pour illustrer ce propos, l'article 810-10 du Code de Commerce dispose très clairement des restrictions d'activité imposées aux administrateurs judiciaires afin, principalement, d'éviter les conflits d'intérêts mais, aussi, de conférer une forme d'exclusivité temporelle et professionnelle à leurs mandats de justice.
Voici donc une bonne source d'inspiration pour les associations professionnelles en mal de bonne définition de la gouvernance et du rôle de l'administrateur. À la clé, la question des cumuls de mandats (5 en France, quand la Suisse est à 4) devrait être à nouveau posée, tout comme celle du niveau des jetons de présence ridiculement faibles en France. En bref, il s'agit d'examiner en profondeur le sujet fondamental du temps alloué par le management non exécutif à l'écoute et la compréhension de l'entreprise.