La Société française des Analystes financiers (SFAF) a mis en place la formation « Mieux appréhender la valeur de l'entreprise grâce à l'immatériel ». Alban Eyssette, associé Ricol Lasteyrie Corporate Finance / membre de la Commission Analyse Extra-financière de la SFAF, et Christophe Le Cornec, conseil en investissements financiers, gérant de la société TECUM et membre de l'association des Analystes Conseillers en Investissements, Finance et Transmission d'Entreprise (ACIFTE) expliquent ici la dimension stratégique de l'investissement dans le capital immatériel.
Dans l'analyse extra-financière, quelle place occupe l'évaluation des actifs immatériels ?
Alban Eyssette : L'analyse des actifs immatériels est un élément déterminant de l'analyse extra-financière. En identifiant quels sont les actifs qui ne sont pas valorisés au bilan (c'est le cas de la grande majorité des actifs immatériels) et en analysant leur qualité et, le cas échéant, leur valeur, on peut arriver à déterminer si la survaleur implicite qui découle de la différence entre la valeur d'une entreprise (en bourse, ou dans le cadre d'une transaction) et ses fonds propres est justifiée. Une vision claire sur les actifs immatériels est donc un indice puissant d'identification d'une sous-évaluation ou d'une surévaluation.
Les actifs immatériels permettent également d'affiner la vision que l'on a de la pérennité d'une entreprise : met-elle en place tous les éléments lui permettant de créer durablement de la valeur ? C'est une approche de plus en plus utilisée dans le domaine du capital-risque par les fonds d'investissement afin de valider, avant d'investir, la solidité et la faisabilité du business plan présenté par l'entreprise recherchant des capitaux et donc les risques et les chances de réussite de cette entreprise. Par exemple, une entreprise de luxe qui n'aurait pas une politique de gestion avisée de ses marques est-elle capable de générer de la croissance sur le long terme ?
On peut d'ailleurs s'interroger : est-il bien pertinent d'opposer financier et extra-financier ? N'existe-t-il pas une seule analyse qui combine l'ensemble des dimensions d'une entreprise et qui permet de juger au mieux de la pérennité de sa stratégie et de ses performances ?
Quel est l'outil de référence pour cerner les différents types d'actifs immatériels ?
Christophe Le Cornec : Il existe de nombreux outils disponibles pour identifier et analyser les différents actifs immatériels. Les différents volets du Thésaurus (initiative lancée par le Ministère des Finances en 2011) ont posé d'excellentes bases et constituent un outil exhaustif d'identification des actifs. Plus récemment, Wici (la World Intangible Capital Initiative) a publié un référentiel qui est également un cadre d'analyse tout à fait pertinent. Enfin, les publications et recherches de l'Observatoire de l'Immatériel sont d'un apport précieux.
L'ensemble des acteurs (émetteurs, banques, assurances…) s'interrogent sur l'évaluation des actifs immatériels. En quoi la formation dispensée par la SFAF va-t-elle répondre à leurs préoccupations ?
AE : La sphère financière prend effectivement la mesure de l'importance de cette analyse et les émetteurs, qui - comme Monsieur Jourdain - faisaient souvent de l'immatériel sans le savoir, perçoivent la plus-value que peut représenter pour eux, d'une part un monitoring plus avisé de ces actifs et, d'autre part, en quoi leur juste présentation est un outil pour convaincre un prêteur ou un apporteur de capital. L'objectif de la formation est de donner une vision claire de ce que sont précisément ces actifs, de la manière dont ils contribuent à la création de valeur et de leur contribution dans la valeur globale de l'entreprise.
L'utilisation des réseaux sociaux par les différents acteurs (image et notoriété induites) entre-t-elle dans le champ de l'évaluation des actifs immatériels ?
CLC : Oui, cette dimension peut entrer, par exemple, dans l'analyse des marques, de la relation clients ou dans la dimension de protection et de valorisation des noms de domaine.
Illustration : © Observatoire de l'immatériel