OONAGH MCDONALD - MANCHESTER UNIVERSITY PRESS, NOVEMBRE 2015, 288 PAGES - 20 £)
Les mythes ont la vie dure : celui de la prétendue « crise bancaire et financière de 2008-2010 » s'est logé au coeur des discours des décideurs publics et des banquiers centraux qui prétendent avoir « sauvé l'économie mondiale » des excès de quelques banquiers d'affaires indélicats. Le très dogmatique Mario Draghi, dont la politique complaisante d'assouplissement quantitatif soutenue par la Banque de France met désormais en péril les caisses de retraite et les banques de la zone euro, n'hésite pas à se comparer au héros de Super Mario Bros., jeu vidéo décérébrant du début des années quatre-vingt ! Ancienne théologienne calviniste devenue députée « sociale-libérale » (proche de Tony Blair), puis régulatrice financière, Oonagh McDonald ne déroge malheureusement pas au dogme officiel. Pour l'auteur, cette crise passagère aurait été le seul fait d'opérateurs de marché cupides, pour la plupart New-Yorkais : Richard S. Fuld, patron de Lehman, son mentor Lew Glucksman, directeur du trading « plein de mépris » pour ceux qui ne travaillent pas dans les salles de marché, et Annette Nazareth, alors numéro deux de la Securities and Exchange Commission (SEC), accusée d'avoir empêché les dirigeants de la Réserve fédérale et du Trésor de contrôler des banques d'affaires « aussi bien » qu'ils le faisaient pour les gentilles banques de réseau. Dès lors, l'auteur peut dérouler un discours convenu : n'écoutant que leur courage, les banquiers centraux (la Fed et son influente antenne locale, la Federal Reserve Bank of New York) et les honnêtes hauts fonctionnaires de Washington, Londres et Francfort auraient réussi à rétablir la situation. Pratiquement rien sur le rôle déterminant de certaines banques de réseau américaines, britanniques, allemandes et belgo-néerlandaises, qui ont systématiquement encouragé et financé le développement incontrôlé des dérivés de crédit produits à leur demande par Lehman Borthers, ou sur l'émerveillement béat de Tony Blair, d'Angela Merkel et des dirigeants de la Banque centrale européenne devant « l'inventivité » des artisans de la financiarisation à outrance qui fragilise les États-nations et accapare le champ économique et social dans son ensemble…
NICOLAS J. FIRZLI
DIRECTEUR GÉNÉRAL DU FORUM MONDIAL DES FONDS DE PENSION (WPC) ET CONSEILLER AUPRÈS DE LA BANQUE MONDIALE POUR LE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES
Membre du comité éditorial de la revue Analyse Financière
Article initialement publié dans l'édition 60 de la revue Analyse financière (juillet-août-septembre 2016)