Réponse à SPIVA et Morningstar
SPIVA et Morningstar sont les 2 méthodologies généralement utilisées pour comparer les performances des fonds actifs et passifs, que Marlene Hassine Konqui, DGA de BSD Investing et membre de la commission ETF de la SFAF, remet en question dans sa dernière étude. Explications des principaux biais de ces études.
Il existe actuellement deux approches largement utilisées sur le marché pour comparer les performances des fonds actifs et passifs : SPIVA (« S&P Indices Versus Active » : indices S&P par rapport aux fonds actifs) et Morningstar. Ces comparaisons fréquemment citées arrivent à la conclusion que la plupart des gestionnaires actifs ne surperforment pas les fonds passifs sur le long terme. Dans sa dernière étude publiée en 2022 et intitulée « Problèmes et solutions pour construire des portefeuilles optimaux », Marlene Hassine Konqui, DGA de BSD Investing et membre de la commission ETF de la SFAF, remet en question la méthodologie de ces études, souvent citées pour la comparaison des performances entre fonds actifs et passifs. Elle démontre que leurs résultats sont étroitement liés aux hypothèses formulées et que celles-ci introduisent des biais dans les comparaisons de performances de ces fonds.
Choix de l'indice de référence : indice de référence large ou indice officiel du fonds
La « scorecard » SPIVA des fonds actifs/passifs compare les fonds par rapport à un indice. Dans cette approche, les fonds actifs sont comparés à un indice de référence large choisi par S&P, et non à l'indice de référence officiel des fonds.
Le baromètre actif/passif Morningstar compare les fonds actifs aux fonds passifs de la même catégorie. Cela peut toutefois inclure des fonds qui ont des indices de référence très différents, comme les fonds smart beta.
Or au sein d’une même catégorie, les indices peuvent avoir des performances très différentes. Dans la catégorie Europe large cap, la performance des différents indices peut aller de 44% à 346% sur 10 ans (31/12/2010 et 31/12/2020). Le choix de l’indice va doit avoir un impact important sur les résultats.
Traitement des frais pour la comparaison des fonds actifs par rapport aux indices ou aux fonds passifs
SPIVA mesure la performance des fonds à gestion active par rapport à celle d'un indice sous-jacent et non par rapport à des fonds passifs. Cette méthode ne tient pas compte des frais de gestion et des coûts encourus par les fonds passifs. Il est supposé, à tort, que la performance des fonds passifs est égale à celle des indices sous-jacents (ce qui suppose une absence de coûts). Cela peut sembler négligeable sur une courte période, mais plus la période étudiée est longue, plus le biais introduit dans la comparaison des fonds est important.
Par exemple, sur 10 ans, les ETF de la zone Euro surperforment l’indice EuroSTOXX 50 de 11% alors que les ETF émergents sous-performent l’indice MSCI EM de 12% (31/12/10-31/12/20). La performance des ETF n’est donc pas celle des indices. Comparer par rapport à l’un ou l’autre va donc induire des conclusions d’investissement complètement différentes
SPIVA et Morningstar utilisent une méthode standard pour ajuster du biais des survivants
La méthodologie standard de mesure de la réussite ou de l'échec des gestionnaires actifs consiste à inclure tous les fonds existant au début de la période considérée. Cela conduit toutefois à des résultats biaisés, car ils sont fondés sur l'hypothèse que tous les fonds qui n'existent plus ont été liquidés en raison d'une mauvaise performance. Or, dans de nombreux cas, les fonds sont liquidés pour des raisons autres que la performance, telles que les fusions de fonds, le chevauchement des stratégies, le départ à la retraite du gérant, la taille insuffisante ou la consolidation de parts. Linnainmaa(1) constate que ce traitement engendre un biais inverse du survivant qui compense approximativement le biais de survivant.
Utilisation d'un indicateur unique entre deux dates fixes
La prédominance de l'analyse des performances entre deux dates fixes conduit à la conclusion que de nombreux fonds actifs ne surperforment pas leurs indices de référence. Ce type d'analyse ne donne pas un aperçu complet et fiable de la performance du portefeuille. La méthode de calcul du rendement annuel point à point ignore la performance des fonds tout au long de l'année. Elle est en outre facilement biaisée par des événements anormaux ou des données non retraitées. De plus ces calculs ignorent les nouveaux fonds crées ou ajoutés dans la catégorie entre les deux dates. Et pourtant, ces fonds représentent de réelles opportunités d’investissement.
Par exemple : entre le 31/12/2020 et le 31/12/2021, les fonds actifs Global Bond Euro Hedged ont sous-performé les fonds passifs de 0,6 % (catégories de parts non institutionnelles uniquement). Pourtant, si l’on examine les données annuelles en base glissante, les gestionnaires actifs surperforment leurs homologues passifs dans 88 % du temps et l’écart moyen de surperformance sur 1 an est de 2 %.
Connaître ce qui se cache derrière les chiffres et ne pas sous-estimer l’impact de certains choix de méthode est clé pour prendre des décisions rationnelles et, ainsi, pouvoir construire des portefeuilles optimaux.
(1) Reverse Survivorship bias, Linnainmaa, The journal of finance Volume 68 issue 3 June 2013.