DANIEL COHEN – EDITONS EYROLLES. JANVIER 2015 - 224 P. - 24 €
Comment conseiller le management d'une entreprise qui entre dans une zone de turbulences, voire court le risque d'aller droit au crash ? Daniel Cohen, président de Zalis, société spécialisée dans le retournement d'entreprises créée en 2001, a rédigé un ouvrage didactique et agréable à lire, essentiellement fondé sur son expérience personnelle. Jacques Attali en signe la préface, avec une phrase ciselée pour provoquer : « L'entreprise du XXIe siècle est un cirque : un espace où des talents individuels passionnés se rassemblent pour produire une attraction collective, le temps d'un spectacle. » Comme l'expose Daniel Cohen dans une comparaison avec le pilotage aéronautique, des pilotes parfaitement entraînés connaissent toujours une phase de latence face à un incident majeur : le refus de croire que cela arrive. Il s'agit de la phase de « stupeur ». Mais un bon pilote se reprend en quelques secondes : des vies sont en danger de mort. Voir une entreprise sombrer est également source d'anxiété et d'incompréhension, voire de déni de la part de managers qui n'ont pas vu venir. Et l'absence de réactions adaptées peut mener tout droit au chaos, lequel ouvre la voie aux règlements de comptes…
Une autre image forte du livre est celle du rétrécissement de la vision dans une phase d'accélération du temps, dans un parallèle cette fois-ci avec la conduite automobile. L'auteur estime : « Une mauvaise décision ne signifie pas forcément un mauvais manager ». Il y a un droit à l'erreur, même pour un responsable. L'essentiel est de savoir se remettre en cause, d'analyser et de trouver la bonne parade lors de la prochaine zone de turbulences. Une phase de chaos doit donc être suivie d'une phase de responsabilité. Daniel Cohen souligne également comment le poids d'une hiérarchie complexe s'ajoute en général à un degré d'individualisme fort et ne favorise pas la réactivité de moyennes ou grandes entreprises.
L'ouvrage est composé de manière chronologique : l'entrée en crise, les protagonistes, le lancement puis la conduite du sauvetage, la recherche des bons leviers (stratégiques, financiers, communication) et, enfin, les conseils à suivre si l'on part vers les cases « redressement » voire « liquidation ». Anticiper est un exercice difficile et nécessite des méthodes ajustées de gestion des risques. Ainsi en matière financière : quels avantages a un montage LBO, avec ses conséquences parfois dangereuses (endettement excessif) ? Comment réaliser une restructuration de la dette avec le choix de maturités adéquates ? Quand faut-il aller voir le tribunal de commerce ? Dans sa conclusion, Daniel Cohen évoque également des « réformes pour la France » : organiser un système dédié au traitement des difficultés des entreprises de plus de 400 salariés, accompagner l'émergence de fonds spécialisés dans le retournement des entreprises, penser à de nouveaux équilibres où certains vont forcément perdre et d'autres seront aidés ou indemnisés. Enfin, provoquer une évolution culturelle dans un pays où le management et le redressement d'entreprises reste un art souvent mal considéré. Et où le couple risque / rémunération est peu attractif, dans la majorité des cas.
ANTOINE DE MONTILLE
CRÉDIT AGRICOLE CIB
Membre de la SFAF, membre du comité de rédaction de la revue Analyse financière.
Article initialement publié dans l'édition 56 de la revue Analyse financière (juillet-août-septembre 2015)