Ashlee Vance. Janvier 2016. Éditions Eyrolles - 350 p. 24,90 euros.
Qui peut ignorer Elon Musk ? Est-il un visionnaire ? Un génie ? Cet entrepreneur changera-il le monde comme le pensent certains observateurs elle que soit la réponse, les faits sont là : Elon Musk, né en 1971 en Afrique du Sud et devenu vingt ans plus tard un enfant de la Silicon Valley, a commencé par bouleverser l'univers des paiements en lançant en 1999 la société X. Com, devenue PayPal en 2001. La même année, il crée Tesla qui révolutionne l'entreprise automobile. Puis, en 2002, devenu multimillionnaire après la vente de PayPal, il arrive dans l'univers du spatial avec Space Exploration Technologies, SpaceX. Son objectif à long terme est de réaliser des vols habités, de transporter des astronautes et d'établir une base autonome sur Mars.
Écrit par le journaliste américain Ashlee Vance , ce livre dresse le portrait d'un homme hors du commun, ingénieur et physicien. À travers ces 350 pages, c'est aussi un véritable état des lieux des mutations rapides et inéluctables des modèles industriels qui est proposé au lecteur. Il ne s'agit pas seulement ici de messagerie électronique, ni de réseaux sociaux mais de voitures, de trains et de fusées. Et c'est justement ce dernier univers qui a toute sa place dans ce dossier de la revue Analyse financière dédié au secteur de l'aéronautique, du spatial et de la défense.
En 2012, au moment où a débuté la rédaction de ce livre, les entreprises d'Elon Musk remportaient des succès mémorables. SpaceX envoyait une capsule de ravitaillement vers la station spatiale internationale et la ramenait sur Terre. Tesla Motors lançait alors le Model S, une berline tout électrique laissant l'industrie historique de Détroit sans voix. Alors en plein essor, la compagnie d'électricité SolarCity, spécialisée dans la production de panneaux solaires photovoltaïques et présidée par Elon Musk, entrait en Bourse.
Avec SpaceX, vu comme un fournisseur low cost dans son domaine, Elon Musk affronte les géants du complexe militaro-industriel américain, en particulier Lockheed Martin et Boeing, et de grands pays comme la Russie et la Chine. Il se pose également comme un rival de Communauté européenne et de sa politique dans l'univers du spatial. Le choix d'Elon Musk s'est porté sur la ville de Los Angeles qui avait eu les faveurs de l'industrie aéronautique depuis l'installation de Lockheed Aircraft Company dans les années vingt. La ville demeure d'ailleurs aujourd'hui un pôle majeur de l'aéronautique militaire.
Dans ce domaine des fusées, Elon Musk a pour volonté de repartir de zéro, c'est-à-dire produire moins cher que les sociétés de lancement existantes en construisant des fusées de taille modeste destinées au transport de petits satellites et de charges pour les chercheurs. Ashlee Vance l'affirme : « Musk aimerait cette expression : devenir le Southwest Airlines de l'espace. » En 2006, le premier lancement de Falcon 1 fut un échec. Mi 2015, SpaceX subit un revers lorsqu'un lanceur Falcon 9 destiné à ravitailler la station spatiale internationale explose après deux minutes de vol.
Mais en 2016, SpaceX lance ses fusées au rythme d'une par mois environ pour le compte des entreprises, des États et de la station spatiale internationale. Elon Musk espère asseoir l'essentiel de son avantage concurrentiel sur la réutilisation des fusées, une option aujourd'hui rejetée par l'Europe. Après la récupération d'un étage en décembre 2015, il prévoit pour 2016 la récupération de six à huit étages et la réutilisation en vol d'un des étages. De quoi soutenir l'attention des passionnés de la conquête de l'espace et des concurrents européens !
Dans le monde d'Elon Musk, les capital-risqueurs ont toujours représenté une pièce importante. Ce fut le cas avec l'entreprise Zip2 au milieu des années quatre-vingt-dix, puis lors du rachat de PayPal par eBay en 2002 ou encore, début 2014 lorsque Tesla Motors, qui a souvent frôlé la faillite, parvient à lever pas moins de 2 milliards de dollars.
Aujourd'hui, Ashlee Vance écrit pour Bloomberg et Business Week. Il a auparavant collaboré au New York Times et à The Economist.
Article initialement publié dans l'édition 59 de la revue Analyse financière (avril-mai-juin 2016)