Capital ou rente en sortie du produit d'épargne retraite prévu par la loi PACTE ? La question oppose frontalement les acteurs du marché de l'épargne longue. Manuèle Pennera, consultante associée en épargne salariale au sein du cabinet KARENTE, revient sur le contenu de la réforme annoncée.
Le projet de loi PACTE comporte un volet épargne retraite qui a suscité un large débat : les différents acteurs du marché se partagent entre les « pro rente » et les « pro capital », ces derniers ayant toutes les faveurs de Bercy. La loi devait initialement simplifier les produits proposés aux épargnants confrontés au besoin d'un complément de revenu à la retraite et orienter les placements vers le financement des entreprises.
Le rapport Barrot-Zagury avait proposé, en décembre 2017, d'unifier la multitude de produits d'épargne retraite existant en deux produits de placement : un Compte Avenir individuel – regroupant principalement PERP, PREFON et Madelin – et un Compte Avenir d'entreprise – regroupant PERCO, PER 83 et plan Article 39 – avec la possibilité de transfert de l'un à l'autre. Cette proposition a mobilisé contre elle l'AFG et les gestionnaires d'épargne salariale. Ils anticipaient en effet que le PERCO (17 MM€ d'encours fin 2017), dans leur giron, soit absorbé par le PER article 83 (65 MM€ d'encours fin 2017), géré par les assureurs-vie, et que les flux annuels d'intéressement et de participation (15 MM€ en 2015) soient potentiellement captés par le nouveau produit, aux dépens du PERCO mais aussi du PEE à 5 ans.
Début 2018, une campagne de presse a voulu montrer, sondage à l'appui, la nette préférence des épargnants pour le PERCO du fait de sa sortie possible en capital, contrairement au PER article 83 à sortie exclusive en rente viagère.
Puis, en mars 2018, la Fédération Française d'Assurance (FFA) annonce son projet concurrent REVAVIE, regroupant tous les produits d'épargne retraite sauf le PERCO. REVAVIE, se terminant en rente viagère, est alors présenté comme la seule solution pour assurer à un individu un revenu à vie et pour maximiser le rendement financier grâce à des placements très longs.
Plusieurs versions du projet de loi ont circulé, toujours favorables à une sortie au libre choix des épargnants en capital ou en rente. Le lobbying s'intensifie en avril, notamment par voie de presse :
- Les dirigeants de plusieurs groupes d'assurance et de mutuelle - Axa, AG2R-La Mondiale et VYV – pointent, chacun à leur manière, les dangers d'un produit d'épargne retraite à sortie en capital, qui laisse l'individu démuni face à l'incertitude de sa durée de vie pour garantir un flux de revenus jusqu'à son décès et qui empêche l'assureur de mener une gestion à long terme, plus performante pour l'épargnant.
- Faisant cavalier seul, l'association d'épargnants AFER prône les vertus d'une sortie libre en capital d'un produit d'épargne retraite.
A quelques jours de sa présentation en conseil des ministres, le projet de loi PACTE créerait une nouvelle enveloppe globale, le « Plan d'épargne retraite », produit d'assurance ou compte titres, à sortie en capital ou en rente, selon l'origine et la nature des versements. Les produits existants devraient converger vers cette nouvelle enveloppe par des transformations complexes : jusqu'à trois compartiments seraient créés dans chaque produit, pour permettre le transfert entre produits, l'accueil de versements à fiscalité variée et la sortie en capital ou en rente, à traitement fiscal différent. Les prochaines lois de finances et de financement de la sécurité sociale devraient harmoniser les traitements fiscaux et réduire le forfait social des produits financés par les employeurs.
Une usine à gaz semble s'installer. Quid de l'objectif de meilleure performance et de réponse au besoin de revenu complémentaire à la retraite ? Capital ou rente, Bercy veut laisser les épargnants libres de leur choix. Est-ce judicieux ?
Contact : revue@sfaf.com