Comment permettre l'innovation financière tout en préservant les intérêts des clients et en gérant les risques de fraude et de blanchiment ? Nathalie Beaudemoulin, coordinatrice du pôle ACPR Fintech Innovation, a présenté la vision du régulateur le 11 avril dernier.
Le sujet de la réglementation des Fintech est clé pour les régulateurs, tant l'ACPR (banques, assurances, acteurs du paiement et de la monnaie électronique) que l'AMF (sociétés de gestion), qui souhaitent diffuser les nouvelles offres de services sans toutefois casser les règles de protection des clients et de lutte contre la fraude et le blanchiment.
De nouvelles règles (DSP2, RGPD…) correspondent aux nouveaux usages et l'ACPR entend avoir une approche de régulation proportionnée aux risques, pour préserver l'attractivité de la Place dans le concert européen.
La vague d'innovations actuelles est plus profonde que les précédentes car ce sont les clients qui demandent des services numériques de qualité avec un accès gratuit, ou presque. C'est donc un défi supplémentaire pour les banques dont les systèmes d'information avaient plutôt été conçus en couche d'usages ou de services séparés.
L'ACPR recensait environ 500 sociétés innovantes actives en France dont seule une partie est réglementée. Il existerait 300 Fintech, dont une moitié de plateformes de financement participatif avec un fort courant de concentration et près d'une centaine d'entreprises sur les paiements (agréées ou exemptées d'agrément). La vague montante est celle des Techfin (200 sociétés) qui couvrent un éventail large de services allant de l'intelligence artificielle (IA) à la Distributed Ledger Technology (Blockchain) et à la signature électronique.
Les banques modifient leur stratégie pour valoriser l'innovation (défi culturel), moderniser leurs systèmes d'information et permettre des parcours clients totalement numérisés (objectif 2019-2020) et pour utiliser/valoriser les données clients. Le choix français d'aller vers des interfaces de programmation applicative (API) de Place pour la mise en œuvre de la seconde directive relative aux services de paiement (DSP2) répond au besoin d'interopérabilité, de protection des données, de lutte contre les cyber-risques. S'agissant du paysage financier de demain, l'ACPR a envisagé, dans le cadre des travaux du Comité de Bâle, plusieurs scénarios d'évolution des « équilibres ». Si celui de l'amélioration de l'existant grâce à l'acquisition/appropriation des innovations est plausible (la « meilleure banque »), celui de la banque ouverte à des produits tiers l'est également (la « banque ouverte », ou « banque plateforme »). Pour s'imposer, les nouveaux acteurs devront passer d'un modèle de niche (exemple : paiement) à un modèle d'activités plus larges (exemple : dépôts/crédits ie statut d'établissement de crédit) et viser un développement à l'échelle européenne (passeport européen).
L'ACPR n'est pas favorable aux pratiques de « bac à sable » (la Grande-Bretagne, Hong Kong et, de manière très limitée, les Pays-Bas) qui lui semblent aller à l'encontre des textes existants et ne pas permettre l'accès au passeport européen. Cependant, elle souhaite améliorer les textes relatifs au financement participatif (déception à attendre du futur texte européen ?) et est positive vis-à-vis de l'encadrement souple des ICO (projet de label AMF volontaire pour les Initial Coin Offering).
L'ACPR a aussi lancé courant mars un groupe sur le sujet de l'IA pour suivre les prototypes (PoC) qui ont l'air prometteur mais qui peuvent poser des enjeux de régulation. Ainsi, un algorithme qui sélectionne des demandes de crédit consommation doit être lisible pour le client (raison des refus), ce qui n'est pas nécessairement le cas si la machine prend la main. Les acteurs financiers en sont conscients et travaillent à améliorer l'explicabilité des outils.
L'ACPR vise une règlementation proportionnée pour aider les différentes formes d'innovation à prendre des statuts adaptés et souhaite que les acteurs financiers vivent en bonne intelligence… sans que cela soit artificiel.
Jean-Baptiste Bellon, analyste financier chez Trapeza Conseil
« Regulatory Sandbox » qui consiste à doter les Fintech d'une cadre réglementaire souple leur permettant d'expérimenter des produits innovants sur une clientèle limitée.