Quelles seront les conséquences de la loi PACTE sur l'assurance-vie en France ? Au-delà d'une meilleure orientation de l'épargne vers les entreprises - tant espérée depuis des années -, les nouvelles modalités pourraient n'avoir qu'un impact limité. Explications de Manuèle Pennera, membre SFAF et consultante en épargne salariale au sein du cabinet Karente.
La loi PACTE perfectionnera l'assurance-vie - plus de transparence et supports financiers nouveaux ou aménagés - et lui juxtaposera le PER, nouveau produit d'épargne retraite , cependant peu susceptible, a priori, d'ébranler la suprématie du « placement préféré des Français ».
Les assureurs devront adresser aux assurés au moins chaque trimestre - au lieu d'une fois par an - la valeur de rachat des contrats en fonds euros ou en unités de compte et devront afficher les frais de gestion, dont les éventuelles rétrocessions perçues par l'assureur. Ces deux points favorisent les nouveaux acteurs aux chaînes de gestion bien digitalisées et flexibles et devraient inciter les assurés à plus de vigilance sur leurs placements, à arbitrer entre supports financiers avec plus de pertinence, voire à comparer plus facilement frais et performances entre contrats. À cet égard, un troisième point, la transférabilité des contrats avant terme et sans perte de l'antériorité fiscale, n'a pas été adopté ; il aurait pu ébranler le marché en facilitant l'entrée de nouveaux acteurs. Seul est désormais possible le transfert intra compagnie de l'épargne vers un contrat en unités de comptes ou en Eurocroissance. Signalons cependant le transfert possible de l'assurance-vie vers le PER, quel que soit l'assureur.
Par ailleurs, les contrats ouverts à la commercialisation au 1er janvier 2020 devront proposer au choix un fonds solidaire (5 à 10 % de l'encours investi dans les entreprises de l'économie solidaire), un fonds ISR (Investissement socialement responsable) ou un fonds TEEC (Transition énergétique et écologique pour le climat). Cette tendance à favoriser l'investissement responsable sera renforcée dès le 1er janvier 2022. De nombreux contrats offrant déjà des fonds ISR, la portée de la mesure pourrait rester limitée.
Des fonds Eurocroissance plus attrayants
Les fonds Eurocroissance ont été introduits en 2014, en alternative aux fonds euros, pour offrir aux assurés une perspective de rendement plus élevé : leur garantie en capital aux termes du contrat au lieu d'une garantie à tout moment dans un fonds euros traditionnel autorise la prise de risque sur des actions. Mais des contraintes techniques et le niveau très bas des taux d'intérêt ont bridé le développement des fonds Eurocroissance, leur encours est dérisoire (2,3 Md€ fin 2017), relativement aux 1 700 Md€ de l'assurance-vie. Or, le gouvernement, qui entend bien favoriser le financement des entreprises par l'assurance-vie desserre les contraintes : les rendements, jusqu'ici calculés par assuré, seront unifiés par produit et pourront être bonifiés. De plus, est maintenue la faculté pour les assureurs de transférer une partie des actifs présentant des plus-values latentes des fonds euros vers les fonds Eurocroissance. L'avenir dira si ces opérations auront permis de rendre attrayants les fonds Eurocroissance. Notons que le rendement négatif de nombreux fonds euros par rapport à l'inflation et le sévère recul des performances des unités de comptes en actions en 2018 pourraient leur être favorables.
La loi PACTE crée le plan d'épargne retraite pour rassembler l'épargne retraite individuelle (PERP, Madelin) et collective (PERCO, plan article 83) sur une gestion financière unifiée, avec sortie en capital ou en rente viagère à la retraite et déblocages anticipés variés. Les avantages fiscaux à l'entrée restent à définir et pourraient s'inscrire dans l'enveloppe fiscale actuelle de 10 % du revenu d'activité professionnelle plafonné. Le tiers de l'encours d'assurance-vie réputé constitué pour préparer la retraite ne devrait pas être déstabilisé par le PER.
En somme, l'assurance-vie en 2019, c'est plus de transparence et des opportunités à saisir par les nouveaux entrants et une énième tentative d'orienter les encours vers les entreprises.
Achevé de rédiger le 23 avril 2019
À quoi ressemblera le secteur de l'assurance et de la réassurance dans 5 ans ? Voilà la question à laquelle tentent de répondre les auteurs des articles du dossier « l'Assurance redessine son modèle », publiés dans l'édition 71 de la revue Analyse financière (avril-juin 2019), qui aborde les mutations que sont en train de vivre les sociétés d'assurance face aux transformations digitales (intelligence artificielle, Big Data, blockchain…), aux changements de consommation chez les assurés et à l'évolution réglementaire (Solvabilité 2) et à l'émergence de nouveaux risques (de longévité, climatique, cyber…).
Voir à ce sujet l'article de Manuele Pennera : « Le futur plan d'épargne retraite : vers une simplification de l'épargne longue » dans l'édition 70 de la revue Analyse financière (janvier-mars 2019).