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05/06/2018 Point de vue

La SFAF se mobilise pour soutenir la recherche indépendante

MIF 2 : quand transparence et concurrence aboutissent à confusion et monopole

Depuis janvier, toute la recherche financière reçoit le même traitement, qu'elle émane de grands groupes ou d'analystes indépendants. Valérie Gastaldy, stratégiste chez Day by Day et présidente de la commission « France Autonomous Investment Research » (FAIR) de la Société française des analystes financiers, fait état d'une concurrence déloyale. FAIR et son cousin anglais EURO IRP ont porté ce constat auprès des régulateurs.

Pour qu'un marché soit animé d'échanges de qualité, il faut une diversité d'opinions et d'analyses sur les sociétés cotées. À ce titre, l'apport de la recherche indépendante est toujours loué. Depuis la crise des dotcom, les régulateurs en Europe et aux États-Unis ont fait part de leur souhait de faciliter l'essor des indépendants mais, dans les faits, les membres de la commission FAIR de la SFAF (France Autonomous Investment Research) relèvent plutôt un net durcissement des conditions commerciales depuis la mise en place de MIF 2. À terme, les tarifs pratiqués par certains courtiers « bulge bracket » mettent en danger l'existence des offres alternatives et condamnent les professions financières aux diktats de quelques analystes qui bénéficieront d'une situation monopolistique.

MIF 2 propose, en théorie, aux gérants une large palette de méthodes pour consommer la recherche financière. Cependant, la lourdeur - et donc les coûts associés - des comptes rendus et des autorisations à obtenir des clients pour que celle-ci soit, comme précédemment, prélevée sous forme de commission a incité plus de la moitié des sociétés de gestion à avoir recours à un financement sur leur compte de résultat. Le nombre de fournisseurs et le budget octroyé à chacun ont donc chuté de façon dramatique.

Les indépendants étaient a priori bien placés pour ce grand chambardement. Leurs tarifs pour un service précis étaient déjà connus et ils se situaient dans une fourchette basse. Leurs prestations étaient déjà différenciées, sinon ils n'auraient pas pu vendre d'abonnement dans un univers où la recherche était perçue comme « gratuite ». Ils auraient donc dû, selon les attentes majoritaires, bénéficier de cette transparence puisqu'il était entendu que la recherche produite par les filiales bancaires serait beaucoup plus chère. Les frais de structure y sont incomparablement plus élevés que dans les partenariats (partnership) des analystes financiers.

C'était sans compter les politiques commerciales agressives de certains groupes qui ont proposé des prix d'entrée ridicules pour une gamme de produits extrêmement large. Pour les participants de la commission FAIR, il s'agit là d'une concurrence déloyale.

Un client perdu, dix de retrouvés dans ces moments de grand changement ! Non, pas du tout ! Dans de nombreuses sociétés de gestion de patrimoine - et surtout les « grosses » -, il devient impossible de proposer des périodes de test car les responsables de la conformité font une lecture littérale de MIF 2. Les régulateurs ont en effet qualifié la recherche gratuite d' « incitation à traiter », et elle est, à ce titre, interdite.

Toute la recherche reçoit ainsi le même traitement depuis janvier et les périodes de test gratuit sont refusées dans de nombreux groupes. Pourtant, la recherche indépendante en France est forcément exempte de tout lien avec les marchés primaires et secondaires… La seule incitation proposée par les indépendants est une incitation à réfléchir en toute liberté, loin des conflits d'intérêts et du besoin de générer des commissions.

Le futur pourrait être sombre si ces tendances s'installaient. FAIR et son cousin anglais EURO IRP ont entrepris de porter ce constat auprès des régulateurs. Notre demande est simple : nous demandons au régulateur de préciser que la recherche - quand elle est indépendante - ne peut pas être une incitation à consommer des services à marges, trop substantielles par ailleurs. Nous demandons aussi au Ministère des Finances de s'assurer que le traitement de la TVA est enfin identique pour toutes les recherches, quelle qu'en soit la source, indépendante - taxée à 20 % en 2017 - ou maison de courtage - taxée à 0 % en 2017.

Quant à vous, cher lecteur, nous vous incitons à estimer les conséquences de vos choix à long terme. Quelle organisation de marché financier voulez-vous en 2020 ?

Valérie Gastaldy, stratégiste chez Day by Day et présidente de la commission « France Autonomous Investment Research » de la SFAF