Alors que la Place de Paris se mobilise sur le sujet de l'activisme actionnarial, le think-tank Institut Sapiens publié le rapport « Qui sont vraiment les investisseurs activistes ? ». Olivier Babeau, président-fondateur, répond aux questions du site d'information analysefinanciere.org.
Pourquoi avoir choisi de publier un rapport sur le sujet de l'activisme ? N'est-ce pas un effet de mode ? Quelle en est votre définition ?
Comme je le souligne dans le rapport, l'activisme correspond à une tendance structurelle du capitalisme contemporain. Il s'inscrit dans un mouvement – que je qualifierais de « tocquevillien » – d'extension continue de la démocratie, qui transpose dans l'entreprise une transformation observée également dans la société : la fin des relations verticales « top-down » et unilatérales (c'est la logique du « say on pay » par exemple). En somme, les actionnaires minoritaires se saisissent de leur pouvoir, lié à leur titre de propriété, pour faire entendre leur voix et peser sur la stratégie de l'entreprise quand ils l'estiment nécessaire.
Aujourd'hui, en France, l'activisme est parfois mal perçu car il remet en cause, de fait, des managements parfois un peu trop confortablement installés. Le Parlement s'est même saisi de la question et Eric Woerth a remis un rapport sur le sujet récemment. Mon objectif est de faire en sorte que le débat, s'il a lieu d'être, soit bien posé : je rappelle donc dans l'étude les conclusions d'une abondante littérature académique sur ce sujet.
Selon vous, l'activisme aurait un effet bénéfique. Principalement pour quelles raisons ?
Ce que j'établis, et rappelle dans ce rapport, n'est pas mon opinion : il s'agit de la conclusion de dizaines de recherches, sur des années et par des spécialistes académiques en droit et en finance. Leurs analyses sont assez claires : à court et long termes, l'activisme permet d'améliorer les performances des entreprises, et pas seulement leurs performances financières !
La raison est simple : par leur regard extérieur, les activistes parviennent à identifier des poches de croissance, d'amélioration des performances que le management, parfois trop impliqué, ne voit plus.
Le rapport parle aussi de l'actionnariat salarié et mentionne « l'inexpérience économique de la plupart des personnes qui peut mener à un risque sur le long terme ». L'une des voies ne serait-elle pas de se mobiliser vraiment sur l'éducation financière dont on parle depuis des décennies ?
L'éducation économique en France est évidemment un sujet prioritaire, sur lequel l'Institut Sapiens a publié un rapport rédigé par Pierre Robert en 2018. Nous sommes convaincus que, dans ce domaine comme dans tant d'autres, il faut mieux apprendre. Ce n'est un secret pour personne que la France souffre d'une inculture économique qui lui coûte !
Depuis des années, on constate une désaffection croissante des investisseurs particuliers vis-à-vis de la bourse. N'est-ce pas la vraie problématique ?
L'actionnariat boursier a effectivement connu une mutation sur laquelle je reviens d'ailleurs dans l'étude, qui laisse une place croissante aux institutionnels. L'activisme peut être une façon de redonner un souffle à ces investisseurs particuliers, car sa philosophie même est de faire valoir leurs voix, de rappeler qu'elles comptent aussi, même s'ils sont minoritaires.
Selon vous, quels liens peut-on faire entre activisme et gouvernance ?
Le lien est évident et double. D'abord, en venant stimuler le management, l'activisme l'inscrit dans une dynamique de performance accrue. Ensuite, en faisant attendre la voix des minoritaires, il rappelle que les actionnaires sont les propriétaires de l'entreprise et que leur investissement doit être respecté. Ils peuvent vouloir lui donner une tonalité spécifique. Par exemple, un nombre croissant d'entre eux porte une attention soutenue et sincère aux problématiques environnementales. Il est important de rappeler que leur rôle n'est pas uniquement de lever le bras aux assemblées générales.
A lire sur ce sujet : Activisme actionnarial, groupe de travail présidé par Michel Prada, ancien président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Le Club des juristes - novembre 2019.
Propos recueillis par Michèle Hénaff, rédactrice en chef de la revue Analyse financière
Contact : analysefinanciere@sfaf.com