Début septembre, les Principes pour un investissement responsable (PRI) ont publié les premiers retours d'expériences de la taxonomie verte d'un panel d'une quarantaine d'investisseurs. Jérôme Courcier, spécialiste des questions financières liées au développement durable, commente ces résultats.
En décembre 2019, les États européens se sont accordés sur un référentiel d'activités durables pour permettre aux investisseurs et aux banques d'identifier les secteurs qui génèrent des bénéfices environnementaux et, ainsi, mobiliser et réorienter les flux financiers vers ces derniers. Cette taxonomie est la colonne vertébrale du plan d'action climat de l'Union Européenne devant lui permettre d'atteindre la neutralité carbone en 2050, voire à court terme de son plan « Relance et Résilience », dont plus d'un tiers pourrait être investi dans des projets guidés par ladite nomenclature.
En effet, à l'horizon 2022, seront considérées comme durables les activités économiques qui respecteront des standards sociaux et démontreront qu'elles apportent un bénéfice substantiel à au moins un des six objectifs environnementaux, tout en évitant des effets négatifs sur les cinq autres (DNSH = « Do No Significant Harm »). Lesdits objectifs sont l'atténuation du changement climatique, l'adaptation au changement climatique, l'utilisation durable et la protection des ressources hydrologiques et marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et le contrôle de la pollution, et enfin, la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Pour évaluer l'opérationnalité de ce référentiel, les Principes pour un Investissement Responsable (PRI) ont constitué un groupe de 40 praticiens. Ils ont publié leurs premiers retours d'expérience le 9 septembre dernier, alors même que la Commission Européenne est toujours en train d'élaborer les critères techniques définissant les objectifs environnementaux et que les sociétés cotées de plus de 500 salariés ne sont pas encore contraintes de communiquer la part de leur chiffre d'affaires qui correspond à des activités « durables ».
Premier constat : pour déterminer quelle part du chiffre d'affaires des entreprises relève de la taxonomie et vérifier que ces dernières répondent aux critères tant sociaux que DNSH, la plupart des praticiens ont été obligés de s'appuyer sur des données fournies par des tiers.
Deuxième constat : si l'outil est "opérationnel", les résultats montrent qu'il met "la barre très haut", puisque rares sont les investisseurs qui ont publié l'alignement de leurs portefeuilles et ce dernier atteint au mieux 20 %, ce qui conforte ceux qui craignaient que le référentiel soit trop étroit et pas assez incitatif pour les entreprises en transition.
Alors que le Canada, la Chine, le Mexique, l'UE, la Malaisie, l'Afrique du Sud, la Russie, les Émirats arabes unis travaillent également à leurs propres nomenclatures, les recommandations du groupe de praticiens sont donc de créer un cadre permettant de garantir la qualité et la disponibilité des données publiées par les entreprises, et de fournir des orientations pratiques et interprétatives aux utilisateurs. Enfin, ils veulent connaître les attentes des superviseurs dans la mesure où la sensibilisation des acteurs financiers à la façon dont le risque climat influe sur les risques de crédit, de marché, d'affaires et de réputation, devrait logiquement déboucher sur une réforme des normes prudentielles.
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