Pour l'Association nationale des sociétés par actions (ANSA), la situation de l'actionnariat en France est préoccupante. Christian Schricke, délégué général, juge le moment opportun pour saisir les pouvoirs publics français. La création d'un Plan d'Épargne en Action (PEA) Jeunes est mise en avant.
Dans son livre blanc publié mi-octobre, l'ANSA fait état du déclin de l'actionnariat individuel, sujet maintes fois souligné ces dernières années. N'est-il pas trop tard pour agir ?
Au contraire, à quelques mois des présidentielles, avec un début de reprise de la croissance, le moment est particulièrement propice pour sensibiliser tous les publics à l'urgence de créer un environnement propre au développement de l'actionnariat en France, indispensable pour relancer l'investissement des entreprises et la croissance.
Le terreau est favorable et, comme l'indique l'étude menée par Opinion Way, pour notre colloque sur la relance de l'actionnariat, les Français sont prêts à investir en actions. En particulier, un tiers des Français est disposé à investir dans des entreprises de proximité. Mais le contexte fiscal est très dissuasif, en raison de la charge globale de tous les prélèvements, de leur complexité et de leur instabilité : la fiscalité est jugée excessive par 67 % des Français, 78 % des chefs d'entreprise et plus de 90 % des investisseurs professionnels.
Réformer la fiscalité des revenus du capital est une nécessité pour notre économie et nos entreprises. Nous proposons en particulier de supprimer l'ISF et de revenir à un prélèvement forfaitaire optionnel sur les dividendes et d'instituer un prélèvement forfaitaire sur les plus-values, dégressif en fonction de la durée de détention, tous deux fixés à un niveau raisonnable, comparable à ceux de nos partenaires européens : 25 %, prélèvements sociaux inclus, pour les dividendes et pour les plus-values sur les titres détenus depuis moins de 5 ans.
Parmi vos 12 recommandations, les dispositions fiscales sont mises en avant. Ne croyez-vous pas que la sensibilisation des investisseurs individuels passe aussi par l'éducation financière ?
En effet, celle-ci est primordiale : le manque de connaissance financière est un des verrous qui empêche l'actionnariat de se développer en France. 62 % des Français considèrent l'investissement en actions comme « trop compliqué », toujours selon l'étude Opinion Way/ANSA.
C'est pour cette raison que nous proposons notamment la création d'un PEA Jeunes (Plan d'Épargne en Action) dans notre Livre blanc « Agissons d'urgence pour la croissance ». Les jeunes représentent un enjeu essentiel pour l'avenir de l'investissement actionnarial et il est indispensable de les sensibiliser à la vie des entreprises et à l'appréciation du risque dès le plus jeune âge. L'actionnariat est un excellent levier pour mieux appréhender notre environnement micro et macroéconomique.
Ce PEA Jeunes fonctionnerait de la même manière que le PEA « classique » (sous certaines réserves) afin que les jeunes puissent faire l'apprentissage de l'investissement en Bourse et deviennent les nouveaux moteurs de la croissance française. Mais l'éducation économique et financière commence à l'école et se poursuit pendant la vie active. Beaucoup d'acteurs peuvent y contribuer, non seulement les enseignants, mais aussi les médias et les acteurs économiques.
Et que pourrait-on attendre du côté des émetteurs qui favorisent souvent la communication vers les institutionnels ?
De nombreux émetteurs ont compris l'intérêt d'avoir des actionnaires individuels, étant plus intéressés par l'entreprise et restant au capital pendant plus longtemps que la plupart des actionnaires institutionnels (environ 4 ans). Ces émetteurs mettent en place un dispositif particulier pour attirer et accompagner les actionnaires individuels : guide et lettre de l'actionnaire, réunions spécifiques, comité consultatif, club, etc. En particulier, le guide de l'actionnaire est un bon moyen pour informer les actionnaires sur la gestion des titres et sur le rôle et le fonctionnement de l'assemblée générale. Les Français classent l'entreprise en 2e position après l'école comme lieu le plus approprié pour améliorer leur éducation financière (étude CREDOC, 2011).
Les fonds d'épargne salariale sont majoritairement investis en titres souverains ou, parfois, en titres de grosses capitalisations mondiales. Comment faire pour que les titres des PME et ETI soient aussi intégrés ?
En effet, malgré l'importance des PME et ETI dans le tissu économique français, celles-ci n'attirent guère l'épargne salariale. Cela est sans doute dû largement à l'aversion au risque des épargnants. Pourtant ces fonds sont généralement bloqués pour d'assez longues périodes, ce qui permet aux gérants d'investir dans des actions moins liquides.
Parmi nos propositions, l'une d'entre elles recommande d'ajuster la directive « Solvabilité II », qui fixe le cadre prudentiel de l'assurance, afin notamment de réduire les exigences de fonds propres réglementaires pour leurs investissements en actions de PME/ETI, dont le niveau de risque est surpondéré par rapport à d'autres classes d'actifs : 49 % pour le non-coté versus 39 % pour le coté.
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