Faire le tri entre mythes et réalité pour prendre des décisions d’investissement optimales
Le développement rapide de la gestion passive sur les 20 dernières années a entraîné de profonds bouleversements au sein de l’industrie des fonds mutuels : selon la Fed de Boston(1), les fonds passifs représentaient 41% des encours sous gestion combinés des fonds mutuels et des ETF américains en mars 2020, contre 3% en 1995 et 14% en 2005. Il y a de bonnes raisons à cette tendance. En général, les fonds passifs sont faciles d'accès, bon marché et transparents. Les ETF ont considérablement élargi la gamme des choix.
Sous la bannière des ETF, une multitude de produits d’apparences semblables se sont ainsi développés. Ahmed Khelifa, président de la commission ETF de la SFAF, fait le point entre mythes et réalités, ou ce qu’il est nécessaire de savoir pour avoir une vision exacte des avantages et des risques de chacun.
Les ETF font partie d'une famille plus large, celle des ETP. Les ETP ou Exchange Traded Products, ont tous des points communs mais peuvent avoir des fonctionnements et des risques différents en fonction de leur sous-catégorie. Dans leur ensemble, les ETP sont tous des instruments financiers négociés en bourse qui permettent une exposition rapide à différentes classes d'actifs ou stratégies d'investissement. Ils ne sont toutefois pas construits de la même façon et peuvent induire des risques différents, surtout en termes de diversification.
On peut distinguer quatre sous-ensembles : les ETP, les ETF, les ETN et les ETC.
- Les ETP incluent les instruments à levier et les instruments short (de vente à découvert). Inutile de rappeler ici que de tels instruments sont plus risqués, peuvent entraîner une perte en capital plus élevée et ne devraient donc être manipulés que par un public d'investisseurs qualifiés. Les ETF ont parfois été associés à tort à ce type de produits risqués.
- Les ETN (Exchange Traded Notes) sont, quant à eux, l'équivalent de certificats d'investissement émis par une banque et adossés à une dette bancaire. Ils peuvent fournir une exposition à différentes classes d'actifs sans nécessité de diversification alors que les ETF doivent être exposés à au moins seize titres différents. De plus, les ETN présentent un risque de crédit de la banque émettrice que les ETF n'ont pas. Il est également important de ne pas confondre ces instruments moins diversifiés avec les ETF. Cette confusion est aujourd’hui, et plus que jamais, d’actualité quand certains présentent des ETN de cryptoactifs comme des ETF. Il n’existe, à ce jour, pas d’ETF de cryptoactifs en Europe car l’ESMA considère l’ensemble des cryptoactifs comme un seul bloc et qu’il n’est donc pas possible d’apporter une diversification en se positionnant sur un panier de cryptoactifs. À ce jour, l’offre existante sur les cryptoactifs en Europe est principalement composée d’ETN. L’ESMA ne considérant pas les cryptoactifs comme une monnaie, il ne peut, pour l’instant, y avoir des Exchange Traded Currencies non plus.
- Les ETC sont des instruments qui se positionnent soit sur de la matière première (Exchange Traded Commodities), soit sur de la devise (Exchange Traded Currencies) et peuvent se positionner sur un seul sous-jacent ou un panier de sous-jacents sans contrainte de diversification. Souvent, les Exchange Traded Commodities sont composés de Futurs et sont à chaque fois renouvelés afin d’éviter le “settlement”.
Cette distinction entre les différentes sous-catégories d’ETP est donc importante dans la compréhension des risques auxquels un investisseur peut être exposé. L’ensemble de ces risques ont parfois été associés à tort aux ETF, qui sont finalement les instruments les plus diversifiés et, à cet égard, les moins risqués dans leur structuration.
Les ETF ne sont toutefois pas tous homogènes non plus et si, dans le passé, ils étaient assimilés exclusivement aux traqueurs de gestion indicielle, cela est de moins en moins le cas.
- Les ETF de gestion indicielle ont pour objectif de coller au plus près de leurs indices de référence. Les indicateurs d’analyses standards de ces ETF sont le niveau d’écartement par rapport à la performance de l’indice (Tracking Difference), la dispersion de cette dernière (Tracking Error) ainsi que le niveau de liquidité.
- Les ETF de gestion active ont pour but de surperformer leur indice de référence, contrairement aux ETF de gestion indicielle. Les indicateurs d’analyse des ETF de gestion indicielle ne permettent pas seuls de juger de la qualité d’un ETF de gestion active. Comme tout fonds de gestion active, les ETF de gestion active doivent être appréciés sur leur capacité à générer de la surperformance et à ne pas dévier de leur stratégie d’investissement annoncée. Les critères d’analyse usuels pour ce type de stratégie, qui sont à la fois d'ordre quantitatif (ratio de Sharpe, Alpha de Jensen, Max Drawdown...) et qualitatif (compétence et vision du gérant, solidité du processus d’investissement...), sont applicables dans ce cas.
La deuxième partie de cet article traite des faux discours qui opposent la gestion active aux ETF. Marlène Hassine Konqui, membre de la commission ETF, revient sur les idées reçues dans ce débat, qui empêchent de prendre des décisions d’investissement optimales.
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(1) Federal Reserve Bank of Boston, ‘The Shift from Active to Passive Investing’, May 2020.