Largement étudié depuis déjà plusieurs décennies, avec la fameuse étude de Fama et French (1988, 2002), l’investissement factoriel n’a cessé de prendre une part de plus en plus importante dans la recherche académique. L’innovation financière a également saisi cette opportunité pour proposer des stratégies et des produits d’investissements divers et variés comme les ETF, Smart Beta faisant appel à des facteurs nouveaux et à des méthodes quantitatives de plus en plus complexes.
Marlene Hassine Konqui, membre de la commission ETF de la SFAF, et Ahmed Khelifa, président de la commission ETF, font le point sur l’intérêt des investisseurs pour ce type de stratégie dans le contexte chaotique de l’année 2022, ainsi que le rôle du Smart Beta dans la construction de portefeuille et la performance des facteurs depuis le début de l’année.
Des flux vers les stratégies de Smart beta en forte progression
En Europe, alors que les stratégies de Smart Beta ne représentent que 5% des encours de la gestion indicielle, elles totalisent 12% des flux entrants (selon la classification de Morningstar), soit 9Md€ depuis le début de l’année. Ces stratégies collectent 17% des flux vers la gestion indicielle actions, dont 70% vers des stratégies de dividendes et le restant vers des stratégies value et orientées vers le risque. À titre de comparaison, les stratégies de Smart Beta représentaient 7% des flux en 2021.
Aux Etats Unis, Les stratégies de Smart Beta représentent 15% des encours de la gestion indicielle et 28% des flux entrants en 2022, soit près de deux fois plus qu’en 2021 où le Smart Beta représentait 15% des entrées. Il s’agit d’un record sur les 5 dernières années. A noter que 46% des flux vers les actions américaines en 2022 sont des flux vers des fonds indiciels de Smart Beta, contre 31% en 2021. En 2022, 50% des flux Smart Beta américains se sont dirigés vers des stratégies de dividendes, 16% vers la Value et 15% vers le facteur Growth.
Des études académiques récentes confirment l’intérêt des stratégies Smart Beta pour générer de la performance dans les portefeuilles sur le long terme.
Les dernières études, comme celle de Tessaromatis et Sakkas (Forecasting the Long-Term Equity Premium for Asset Allocation, Financial Analysts Journal, 2022) réalisée sur le marché actions U.S. et ceux de 11 autres pays développés, continuent de soutenir l’idée que les modèles prédictifs appuyés sur une approche factorielle apportent une surperformance statistiquement significative sur le long-terme, comparés aux modèles de portefeuilles construits sur la base des modèles les plus connus, qui utilisent les rendements historiques des portefeuilles.
Alors que les stratégies factorielles (dont le Smart Beta) sont souvent utilisées comme des briques complémentaires dans la construction de portefeuille, certaines études, comme celles de Stefano Cavaglia, John Hua Fan et Zhenping Wang (Portable Beta and Total Portfolio Management, Financial Analysts Journal, 2022), tendent à montrer que l’intégration des stratégies ARP (Alternative Risk Primea) dans la construction du cœur de portefeuille à partir d’une approche visant à diversifier les expositions factorielles améliore de façon significative le ratio de Sharpe et, donc, le couple rendement-risque d’un portefeuille.
Il semble donc y avoir un consensus de plus en plus large sur l’intérêt de capter les primes de certains facteurs sur le long terme. Mais qu’en est-il de leurs performances relatives à court terme, comparées à un indice de référence ?
Quelles stratégies factorielles ont le mieux résisté au S1 2022 de cette année et pourquoi ?
L’analyse de la performance relative des facteurs par rapport indices de référence montre des résultats différents au S1 de cette année, en fonction de la zone géographique retenue. Cette différence dans les résultats provient principalement de la divergence des politiques monétaires des différentes banques centrales et, en particulier, entre celles des pays développés, qui ont connu une hausse des taux, et la Chine, qui a eu une politique plus accommodante. Il en ressort également une importante sous-performance du facteur qualité et une surperformance importante des stratégies « value » et « minimum volatility ».
Tout est question de sous-jacent : Sector is King
Source : Morningstar, L’Allocataire, MSCI, données au 31/8/2022.
La faible exposition de la Value à la tech et sa surexposition à l’énergie et aux Utilities ont été les principaux moteurs de performance au S1. À l’inverse, la surexposition des facteurs Quality et Growth à la tech et leur sous-exposition au secteur de l’énergie a pesé sur leurs performances relatives, faisant d’eux les contributeurs les plus négatifs de l’indice MSCI World. Le facteur Qualité, qui est censé protéger les portefeuilles grâce, entre autres, à la solidité bilancielle des entreprises qu’il comprend, n’a pas joué son rôle attendu. Il en ressort ainsi, de façon assez limpide, que, sur le court terme et en période de retournement des marchés, une approche sectorielle est plus pertinente ou, du moins, elle reste celle qui prime dans la performance des marchés et des facteurs.