Les institutions européennes mettent les bouchées doubles pour améliorer la transparence, la fiabilité et la comparabilité des données extra-financières. Cependant, les financiers sont toujours dans l’incapacité de transformer des trajectoires climat ou des taux d’absentéisme en inputs dans leurs méthodes d’évaluation. Et si cela passait par l’intégration comptable ? Le groupe de travail Analyse de performance intégrée de la commission Analyse extra-financière de la SFAF s’est penché sur le sujet. Corinne Baudoin, responsable du groupe de travail, Martine Léonard et Olivier Moral, membres du groupe, nous en disent plus.
La connectivité entre ESG et information financière est tout juste émergente
Les régulateurs réitèrent régulièrement leur injonction à la cohérence entre les engagements de la DPEF et les états comptables (dépréciations d’actifs, investissements, provisions…). Cependant, les horizons de temps et le périmètre diffèrent souvent, ce qui limite la portée de cette ambition.
Les normes IFRS (IAS1) rappellent que « les entreprises doivent présenter l’information de manière à aider les investisseurs à estimer les flux de trésorerie futurs , si leurs hypothèses présentent un risque significatif d’entraîner un ajustement significatif des valeurs comptables des actifs et des passifs ». Ce concept unanimement admis pour traiter des ruptures de cycle devrait prendre une ampleur inédite avec les transitions environnementales et sociétales actuelles, qui touchent tous les secteurs d’activité.
La taxonomie constitue par ailleurs une première intention règlementaire d’information comptable sur l’action de l’entreprise en matière environnementale.
Des approches expérimentales qui visent un pilotage intégré de la stratégie
Compte-tenu des limites de la comptabilité financière, des entreprises innovantes développent des outils complémentaires de pilotage multicritères. Pour les analystes, toute donnée est informative, pour autant qu’elle soit décryptable et que la méthodologie soit transparente.
Nos travaux nous ont amenés à explorer quelques pistes prometteuses :
- Certaines approches prennent en compte des trajectoires ou des objectifs définis en externe (tels que les limites planétaires, une trajectoire 1,5°, des salaires décents…) et mesurent l’effort à fournir pour s’y conformer (CARE, LIFTS, Carbon fee chez Microsoft …) ;
- D’autres calculent la sensibilité de leurs résultats à la variation de certains indicateurs de pilotage RSE (pre-financial KPI de SAP…) ;
- D’autres monétisent leur impact à un instant T (BNA décarboné de Danone, EP&L de Kering…).
En première observation, nous avons identifié des critères permettant de différencier les approches et la nature de leurs ambitions :
- La double matérialité est un préalable à toutes ces approches. Elles visent à mieux informer de l’impact.
- Soutenabilité forte ou faible : les capitaux naturels, humains et financiers sont-ils traités indépendamment les uns des autres, sans possibilité de compensation ? Objectifs et trajectoires basés sur la science : pour quantifier, via des tiers indépendants, l’effort à fournir et budgéter des plans réalistes ;
- Valorisation monétaire : elle est intéressante car elle met l’information extra-financière au même degré d’attention que l’information financière. Mais elle demande une grande transparence pour être interprétable.
Ces expérimentations, même perfectibles, contribuent à la transition vers une meilleure lisibilité des impacts des entreprises. Les analystes y sont de plus en plus attentifs et encouragent la présentation de tels travaux.