Chaque mois, un analyste financier, membre de la SFAF, livre sa vision d'un secteur d'activité.
Jean-Baptiste Sergeant, Director Equity Research, Media & Telecoms chez MainFirst Bank AG, dresse ici l'état des lieux du secteur Media & Télécoms.
Quel bilan 2016 peut-on dresser concernant le secteur des médias ?
L'année 2016 a été marquée par la résurgence du thème de la convergence entre médias et télécoms avec, notamment, l'arrivée de Vivendi chez Telecom Italia, les investissements croissants d'Altice/SFR dans les droits audiovisuels, les spéculations sur une alliance entre Orange et Canal+ et, en point d'orgue, l'annonce de la fusion entre AT&T et Time Warner aux États-Unis en fin d'année. Ce thème revient à la mode (voir les sommaires des éditions 49 et 25 de la revue Analyse financière) car les opérateurs télécoms ont besoin de se différencier par des contenus exclusifs face à la montée en puissance d'acteurs tels que Netflix ou Amazon. Cela dit, la convergence est moins évidente en Europe qu'aux États-Unis, en raison de l'étroitesse des marchés nationaux qui ne permet pas de rentabiliser une stratégie d'exclusivité. Sur le plan publicitaire, 2016 a été un cru correct, avec une croissance mondiale estimée à 4.4 %, proche du niveau de 2015 (+4.6 %). On aurait pu cependant espérer mieux, dans la mesure où il s'agissait d'une année « quadriennale » avec la conjonction de trois événements porteurs (les élections aux USA, les Jeux Olympiques d'été et le Coupe d'Europe de football). Cette petite déception est imputable aux incertitudes liées au Brexit et au résultat des élections américaines, qui ont conduit les annonceurs à un certain attentisme. Enfin, sur un plan boursier, 2016 n'a pas été très favorable au secteur puisque l'Euro Stoxx 600 Media a baissé de 6 %, sous-performant légèrement l'Euro Stoxx 600 (-1 %), malgré un rebond en fin d'année.
Selon vous, quelles seraient les principales tendances pour 2017 ?
A ce stade, la plupart des prévisions tablent sur une croissance du marché publicitaire similaire à celle de l'an dernier (légèrement au-dessus de 4 %) mais une bonne surprise n'est pas à exclure en cas d'accélération de la croissance américaine. Il faudra également se pencher sur les avancées des méga-deals annoncés l'an dernier (AT&T/Warner mais aussi le rachat de Sky par Fox), qui vont être scrutées par les autorités anti-trust. Par ailleurs, Vivendi devrait continuer à animer le secteur, puisque, tout en cherchant à prendre le contrôle d'Ubisoft et Mediaset, le groupe pourrait se rapprocher d'Havas sous l'impulsion de Vincent Bolloré, leur actionnaire commun.
Comment se positionne la publicité sur Internet ? Est-elle le principal moteur de la croissance publicitaire mondiale ?
Le digital est très clairement le moteur de la croissance publicitaire mondiale, avec une croissance de 16 % en 2016 (alors que les médias traditionnels ont une croissance inférieure à 5 %, voire négative pour la presse). Dès lors, le digital représente désormais près de 30 % des investissements publicitaires mondiaux, et cette proportion peut même dépasser 50 % dans certains pays (Royaume-Uni, Suède, Danemark…). Cependant, au sein du digital, il convient de distinguer la publicité sur mobile qui a progressé de près de 50 % en 2016 et la publicité sur l'Internet fixe qui est en léger recul. La publicité sur mobile profite en effet du dynamisme de la vidéo en ligne et des réseaux sociaux mais l'essentiel de ces revenus sont captés par les grandes plates-formes américaines (Facebook, YouTube, Twitter…). La publicité sur mobile devrait continuer à tirer le marché dans les années à venir, compte tenu du décalage entre son poids dans les investissements publicitaires totaux (environ 12 %) et son poids dans la consommation média (25 %).
Entretien réalisé le 20 janvier 2017