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26/01/2017 Analyse

A propos de la première obligation verte souveraine française

Annoncée à l'automne 2016, l'émission d'obligations souveraines vertes par l'état français est devenue une réalité, l'Agence France Trésor ayant communiqué le 23 janvier la maturité de la future émission au 25 juin 2039. Analyse de Marie-Pierre Peillon, Présidente de la commission Analyse Extra-financière de la SFAF.

Cette initiative s'inscrit dans une démarche globale entreprise par la France depuis plusieurs années : engagement pour faire de la COP21 un succès, publication du désormais célèbre "Article 173" de la loi relative à la transition énergétique et pour la croissance verte, lancement de deux labels publics, ISR et TEEC. Cette nouvelle émission revêt une importance particulière au moment où la place de Paris doit faire valoir ses atouts pour s'imposer comme place financière, notamment comme leader sur la Finance Durable dans un contexte de Brexit et de remise en cause potentielle de l'accord de Paris par les équipes de Donald Trump.

Pour que cette opération se transforme en véritable succès, deux conditions sont requises : d'une part, que la base d'investisseurs soit suffisamment large, d'autre part que la liquidité et la structuration de cette obligation reposent sur des bases solides.
Sur le premier point, il convient de rappeler que l'un des succès de la COP21 a été de créer une rupture en imposant l'idée que la transition énergétique ne pourra se réaliser que, si et seulement si, le secteur financier dans son intégralité participe au financement des investissements nécessaires à cette évolution. L'alinéa 6 de l'article 173 demande aux Asset Managers et investisseurs institutionnels d'expliquer comment ils prennent en compte les enjeux ESG dans leurs décisions d'investissements, notamment la gestion des risques liés au climat. Ainsi, les objectifs définis par les obligations vertes répondent bien à ceux demandés par l'article 173, à condition que le second point sur la liquidité et la transparence soit rempli.

L'objectif pour l'État est de garantir la liquidité en émettant une obligation de taille comparable aux OATs classiques (15-20 milliards d'€), la nouvelle émission sera donc abondée régulièrement. Les fonds levés serviront à financer des nouveaux projets et à refinancer des projets existants à hauteur de 50 % des encours. Six secteurs verts ont été retenus : amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments, transport, énergie avec le développement des énergies renouvelables et leur intégration dans les réseaux, promotion de l'agriculture biologique et de la biodiversité, adaptation avec le financement de systèmes d'observation et d'infrastructures spécifiques et, enfin, contrôle de la pollution et éco-efficacité. Les catégories éligibles ont été définies en fonction des politiques environnementales de la France pour permettre de respecter ces engagements : feuille de route pour réduire la consommation énergétique, stimulation de la croissance verte ou encore protection de la biodiversité.

Afin de garantir que les encours ne pourront financer que des activités vertes, le nucléaire, l'armement et les énergies fossiles sont exclus. Les « dépenses vertes éligibles » seront identifiées au sein de chaque ministère puis validées par un Groupe de travail interministériel dédié, coordonné par le ministère des Finances et par le ministère de l'Environnement.
À ce jour, le montant total de projets éligibles disponibles est de 13 milliards d'euros. Ainsi, le processus d'évaluation et de sélection des projets est clairement défini et les critères d'éligibilité des projets sont pertinents. De ce fait, ces OATs vertes répondent aux attentes des investisseurs et constituent un nouvel instrument à fort potentiel.
Pour l'avenir, deux axes d'amélioration pourraient être apportés en termes de reporting d'impact, limité aujourd'hui à la publication d'un seul indicateur, les émissions de CO2 évitées : d'une part, il serait pertinent d'étendre à d'autres critères ESG et, d'autre part, de publier d'autres indicateurs sur les émissions de CO2, comme le niveau absolu de CO2 émis qui constitue désormais un standard pour le marché.

Marie-Pierre Peillon, Présidente de la commission Analyse Extra-financière de la SFAF, Directrice de la Recherche de Groupama AM