La norme IFRS 9 sur les instruments financiers, entrée en vigueur début 2018, a introduit un nouveau modèle de dépréciation des actifs financiers dans son volet impairment. Celui-ci, considéré comme un progrès par les analystes financiers, fait l’objet d’une revue de la part de l’IASB. Explications de Marie-Pascale Peltre, vice-présidente de la commission Comptabilité, et Antoine Houssin, responsable du groupe sectoriel Banque-Assurance, avec la collaboration de Jean-Baptiste Bellon, ancien président de la SFAF.
L’IASB procède à une revue du fonctionnement (Post Implementation Review ou PIR) de la norme IFRS 9 sur les instruments financiers, appliquée depuis le 1er janvier 2018. Cette revue s’accomplit en plusieurs étapes : après la revue du volet « classification et mesure » (2020-2022) d’IFRS 9, l’IASB a commencé la revue du volet impairment (dépréciation), avant d’entamer la revue du volet hedge accounting.
En remplacement de l’approche qui prévalait dans IAS 39 (incurred losses model), IFRS 9 a introduit un nouveau modèle de dépréciation des actifs financiers sur la base des pertes attendues (expected losses model). Ce nouveau modèle vise à éviter les reconnaissances tardives de pertes de crédit, révélées par la crise financière de 2008. Celui-ci répond-il aux besoins informationnels des utilisateurs, notamment des analystes en charge du secteur bancaire ?
Sous IAS 39, les dépréciations de crédits ou d’actifs détenus jusqu’à leur échéance n’étaient enregistrées que s’il existait une indication objective de perte de valeur liée à un événement postérieur à la mise en place du prêt ou à l’acquisition de l’actif, telle que des impayés depuis trois mois au minimum ou des difficultés financières significatives. La dépréciation était alors mesurée comme la différence entre la valeur comptable avant dépréciation et la valeur des composantes jugées recouvrables (principal, intérêts, garanties…). Les dépréciations étaient enregistrées au compte de résultat en « coût du risque », comme toute réappréciation.
Avec IFRS 9, le coût du risque (« expected credit losses ») au compte de résultat est composé de trois strates, dont une partie est enregistrée dès l’octroi du crédit ou l’acquisition de l’actif.
- La strate 1, relative aux actifs « performants » (terminologie IFRS) : le coût du risque est évalué en fonction du risque de non-paiement à horizon 12 mois.
- La strate 2, relative aux actifs « sous-performants » : le coût du risque est évalué en fonction du risque de non-paiement sur toute la durée de vie. Si le risque de crédit a augmenté significativement depuis sa mise en œuvre, la totalité des pertes sur toute la durée de vie du crédit est reconnue en tant que coût du risque au sein de cette strate. Le coût du risque est égal à la valeur actualisée des pertes attendues.
- La strate 3, relative aux actifs « non-performants », e. déjà en défaut de paiement : le coût du risque est également évalué en fonction du risque de non-paiement sur toute la durée de vie. En outre, les revenus d’intérêts annuels enregistrés le sont sur une base réduite (l’actif-net du total des provisions enregistrées).
Les analystes financiers considèrent qu’IFRS 9 est un progrès par rapport à IAS 39, malgré des disparités dans l’application de la norme et bien que la norme n’ait pas été testée dans des conditions sévères. Ils suggèrent des améliorations sur le degré de granularité des informations (demandées par la norme IFRS 7) relatives aux différentes strates, notamment pour :
- Les informations décrites aux paragraphes 35H de IFRS 7 au niveau opérationnel (défini par IFRS 8 - operating segments) : à savoir par activité (banque de détail, banque d’investissement, gestion d’actifs…), et/ou géographiquement ;
- Les informations décrites aux paragraphes 35I de IFRS 7, dont la variation des ECL (Expected Credit Loss) au compte de résultat et au bilan. Les entités fourniraient le détail par type d’actifs (class of financial instruments). Dans ce cadre, la SFAF préconise une information suffisamment granulaire, le niveau opérationnel étant souvent le point de départ d’une analyse financière.
Enfin, la suggestion de l’ANC de décomposer les provisions de la strate 2 entre provisions pour pertes au titre des 12 prochains mois et entre provisions à plus de 12 mois permettrait une information plus complète.