Les dernières rencontres annuelles de l'Association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise (AMRAE) étaient centrées sur les risques liés au réchauffement climatique et à la transition énergétique. Les participants ont aussi débattu du rôle du risk manager et de l'évolution de sa fonction dans l'entreprise.
La mission du risk manager consiste à protéger globalement le compte d'exploitation et le bilan de l'entreprise. En ce sens, il est fréquemment assimilé à un métier financier d'autant que, dans les grandes entreprises, assureurs et banquiers proposent très souvent des solutions de couverture de ces risques. Tout est risque en ce bas monde ! Et le risque est inhérent au développement de l'activité humaine. L'entreprise doit développer une démarche collective pour établir une cartographie des risques et identifier constamment les nouvelles natures de risques (géopolitiques, industrielles, logistiques, de non-conformité…). Ainsi, l'entreprise peut agir sur les prises de décision d'investissement, de sous-traitance, d'automatisation pour réduire le risque d'image, de notoriété et les éventuels risques pénaux. Ce métier, moins connu que les fonctions financières, prend place au cœur des entreprises et se structure. Un référentiel métier a ainsi été développé par l'AMRAE pour aider le risk manager en entreprise, qui se situe à la croisée de la stratégie, de l'information financière, des relations sociales et des implications opérationnelles. Au contact des forces vives de l'entreprise et en prise directe avec la direction générale, le risk manager exerce une influence de plus en plus grande et devient un partenaire indispensable qui influe sur les décisions stratégiques du dirigeant.
PROTÉGER LES DONNÉES, UN DÉFI MAJEUR
Les grandes tendances actuelles du métier se focalisent sur le numérique en son sens le plus large puisque la cybercriminalité est une menace réelle qui s'infiltre dans les failles de sécurité, quelle que soit la taille de l'entreprise, petite ou grande. Les données financières, les fichiers clients, les projets de R&D, l'automatisation ou la domotique sont autant d'éléments à protéger car ils participent de la valeur immatérielle. Le risque croissant lié aux données dans la gestion des risques est un autre élément majeur que le risk manager doit maîtriser, et l'un des défis majeurs est d'obtenir l'information exacte et sûre. La transition énergétique constitue un autre défi à relever. La COP 21 a marqué la fin 2015 et nombre d'entreprises se sont engagées dans ce défi majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. Les Rencontres 2016 de l'AMRAE , qui se sont déroulées en février 2016, ont traité ce thème. La mission du risk manager n'est pas la nouvelle bureaucratie du capitalisme. À l'ouverture de ces rencontres, Brigitte Bouquot, présidente de l'AMRAE, a montré que le risk manager « incarne la propre écologie de l'Entreprise, l'organisation vue comme un "système vivant" - cette société dotée de la personnalité morale - qui porte toujours plus de responsabilités. Le Risk Management est même parfois le dernier recours dans des rapports de force exacerbés par la recherche de profit ».
La polyvalence du risk manager est donc essentielle. Il joue le rôle de chef d'orchestre qui organise la transversalité de la récupération de l'information et des compétences au sein de l'entreprise. Or celle-ci n'étant pas standardisée, il doit tenir compte de son activité, de sa culture, de son profil… Le risk manager, souvent issu de l'interne, doit avoir un sens aigu de la curiosité et ne pas se satisfaire d'une première analyse superficielle. Il doit transmettre et faire partager ses convictions, même si elles ne plaisent pas. Cette indépendance de jugement n'est-elle pas ce que l'on demande aussi à l'analyste financier ?
ET INNOVER
Qu'il soit rattaché à la direction générale ou à l'une des directions juridique ou financière, sa tâche peut conduire à être proche du monde de l'assurance dans le cadre de l'évaluation financière des risques et la prise en charge de contrats spécifiques d'assurance ou d'émissions de contrats financiers de couverture (Insurance Linked Securities et obligations catastrophes). Le Risk manager doit donc « prédire les futurs possibles, modéliser les scénarios et mesurer leurs impacts. Il faut s'en prémunir avec des politiques innovantes de prévention et protection globales ».
BRUNO BEAUVOIS
ANALYSTE FINANCIER ET DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE LA SFAF
bbeauvois@sfaf.com
Article initialement publié dans l'édition 59 de la revue Analyse financière (avril-mai-juin 2016)