Chaque mois, un analyste financier, membre de la SFAF, livre sa vision d'un secteur d'activité. Benoît Faure-Jarrosson, analyste financier chez Invest Securities, dresse ici l'état des lieux du secteur des foncières cotées.
Quel est le panorama international des foncières aujourd'hui ?
Le secteur des foncières cotées a connu une considérable expansion au cours des quinze dernières années avec la propagation planétaire de régimes de transparence fiscale inspirés des Real Estate Investment Trusts (Reits) américains. Sa place a été consacrée par la création fin 2016 d'un compartiment spécifique dans les grands indices mondiaux (MSCI, etc.). La capitalisation boursière mondiale dépasse 1 600 Md€, dont les trois-quarts ont un régime de type Reit (Siic - Sociétés d'investissement immobilier cotées en France). Les prochains pays attendus sur la liste sont la Pologne et la Chine. Sous cette bannière commune, on retrouve les singularités nationales : en Allemagne, le logement locatif prédomine ; en France, le centralisme donne un poids particulier aux bureaux parisiens ; aux États-Unis, l'énormité du secteur autorise de multiples niches telles les foncières de cliniques, de self-storage, de data centers ou de… prisons. Partout sur la planète, les taux d'intérêt sont à un niveau historiquement bas, soutenant les valorisations des foncières.
On parle de placement volatil mais rémunérateur sur le long terme. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation ?
Il se trouve que sur la dernière décennie les cours des foncières ont été très volatils car ils ont été gonflés par l'euphorie jusqu'en février 2007 puis massacrés pendant la crise financière. Mais sur plusieurs décennies, leur performance, en France, en Europe et aux États-Unis, a dans l'ensemble dépassé celle des indices généralistes. Fondamentalement, c'est au contraire une classe d'actifs dont les profits sont infiniment moins volatils que ceux des autres secteurs d'activité : les clients s'engagent le plus souvent pour 3 à 10 ans et, malgré les cycles, le prix du service (le loyer de marché) a, en général, une certaine inertie. De même, parce que les actifs d'exploitation peuvent atteindre plusieurs siècles de durée d'utilisation, leur valeur est moins fluctuante que celle d'actifs industriels ou de fonds de commerce.
Quelles sont les principales méthodes de valorisation des foncières et quels types de ratios fait-il mettre en avant ?
Les foncières sont, avant tout, des entreprises comme les autres et le PER est donc le premier ratio à observer, comme pour le reste du marché. Le résultat à prendre en compte subit simplement des retraitements pour en dégager la part récurrente, hors effet de l'amortissement des immeubles ou de leur variation de valeur. La particularité des foncières est que leurs actifs font l'objet d'un marché organisé, ce qui permet de calculer un actif net réévalué, qui peut servir de repère. Enfin, le propre des foncières est qu'elles n'ont guère de taille critique, hormis chez les grandes foncières de commerce qui peuvent peser sur les enseignes, ou pour l'émission d'obligations. Du coup, elles n'ont pas besoin de faire la course en tête, contrairement à beaucoup de secteurs, et peuvent distribuer à peu près tout leur profit, qui est régulier. Cela en fait naturellement des valeurs de rendement.
La question de la décote est-elle d'actualité ? Et est-elle toujours synonyme d'opportunités ?
Les cours des foncières continuent d'être dissociés de l'actif net réévalué. Chez les foncières de commerce, qui ont un gros pipeline de développements rentables, la bourse paie plus que l'ANR car elle valorise les marges latentes sur ces projets. Sinon, le facteur de liquidité joue puissamment : la décote est d'autant plus prononcée que l'action est moins traitée en bourse. À caractéristiques identiques, la décote sera plus faible ou laissera place à une prime si la distribution est plus forte. Enfin, la décote sera plus faible chez les sociétés susceptibles d'un changement de contrôle, même si l'OPA sur Paref et l'OPR sur Foncière de Paris avec décote sont venues rappeler la limite de cette valorisation.
Contact : revue@sfaf.com