Qui dit Brexit, pense immédiatement à finance, bourse et monnaie. Mais quelles seront les conséquences sur le commerce extérieur du reste de l'Europe, et pour la France, de la décision prise en juin 2016 ? Ce sujet a été abordé mi-février lors d'une réunion organisée au sein du ministère de l'Economie et des Finances, sous la direction de Michel Sapin.
Certes, le secteur financier subira des conséquences diverses selon les activités, même si les activités transfrontières sont quand même limitées. C'est le cas du monde de l'assurance, des établissements financiers spécialisés ou des professions règlementées comme le commissariat aux comptes. La relocalisation en Europe continentale des établissements est un enjeu majeur en cas de suspension totale du passeport européen. Les pays européens doivent saisir cette opportunité pour relocaliser l'EBA (European Banking Authority, Autorité bancaire européenne), l'EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority, Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) et pour que le marché de l'euro soit supervisé par une autorité règlementaire européenne.
De leur côté, peu d'entreprises ont anticipé le risque Brexit dans leur gestion globale des risques pouvant survenir et peu de documents de référence de 2015 en parlaient. Dans une recommandation sur l'arrêté des comptes annuels datée du 6 novembre 2016, l'AMF « demande aux sociétés potentiellement concernées de présenter et d'expliquer dans leur communication financière leur exposition, les impacts potentiels ou reconnus en termes financier, opérationnel et stratégique, et la manière dont elles envisagent de traiter ces risques. Dans leurs états financiers, les entreprises sont invitées à expliquer les hypothèses retenues dans les évaluations d'actifs et de passifs, et à détailler les analyses de sensibilité. Par ailleurs, en cas de forte volatilité de la livre sterling, l'AMF invite les sociétés à retenir des intervalles de temps pertinents et représentatifs pour le calcul des cours moyens, en particulier pour les opérations significatives ». Cette recommandation d'expliciter plus précisément les conséquences du Brexit chez l'émetteur sera une aide précieuse pour l'analyste financier.
Du côté des biens et marchandises, le secteur agricole est peut-être le plus exposé. L'Europe est exportatrice nette vers le Royaume Uni et la crainte sera de voir celle-ci se tourner vers des pays tiers issus du Commonwealth ou jouer sur le niveau de ses normes en les abaissant pour créer une divergence concurrentielle en leur faveur. Dans ce domaine agricole, l'enjeu de taille concernera la « déconsolidation » du Royaume Uni au sein de la Politique Agricole Commune. Les industries agro-alimentaires sont ainsi les premières concernées par ricochet.
L'industrie automobile et les équipementiers estiment devoir être vigilants sur le risque de dumping qui pourrait venir les concurrencer et le secteur textile estime son risque important, notamment lié à la propriété intellectuelle. Si on peut estimer que les grands groupes européens auront plus de facilité à s'adapter, il n'en demeure pas moins que la question des normes (Application de la Directive Reach par exemple pour la chimie), de la fiscalité intra groupe, celle des droits de douane et les accords environnementaux (carbone) seront suivis de près. Du côté des transports, se pose la question des risques sur l'activité des compagnies aériennes et maritimes ou ferroviaires.
Enfin, les aides publiques européennes à l'innovation, les investissements européens de type Euratomet la propriété industrielle devront aussi être renégociés.
Bruno Beauvois,
Délégué général de la SFAF
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REACH est un règlement de l'Union européenne qui concerne l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques. Il a été adopté pour mieux protéger la santé humaine et l'environnement contre les risques liés aux substances chimiques.