Selon Alessandro Roggero, Groupama AM, les fondamentaux du secteur automobile devraient rester favorables en 2017. L'industrie est toutefois confrontée à la fois à des mutations technologiques et à des enjeux politico-commerciaux.
Lors de votre présentation du 16 mars 2017, vous avez fait état d'une bonne tenue du secteur automobile tout en soulignant des facteurs de risques, notamment d'importants enjeux en matière d'ESG. Quels sont-ils ?
Les enjeux ESG sont au cœur de la stratégie et de l'évolution du business model de l'automobile. Dans ce contexte, nous avons identifié deux facteurs clés : la rupture technologique liée à l'électrification des propulsions et la voiture autonome. Ces deux paramètres impactent la gestion des compétences car un nouveau savoir-faire est nécessaire : constructeurs et équipementiers doivent donc trouver un difficile équilibre entre maîtrise des coûts et investissements dans la recherche de talents pour contrer la concurrence de nouveaux entrants, notamment des géants de la technologie. Le secteur est aussi souvent affecté par des pratiques (telles que des ententes sur les prix), des controverses (Dieselgate) et une gouvernance peu favorable à l'actionnaire, qui pèsent sur la santé financière des sociétés.
Selon vous, quels sont les ratios financiers majeurs à suivre ?
Parmi les différents ratios financiers, l'évolution de la marge opérationnelle (résultat opérationnel/chiffre d'affaires) permet d'estimer la capacité des différents acteurs de convertir les revenus en profits. Les ratios bilanciels, tels que la dette nette financière/Ebitda ou l'évolution de la dette nette ajustée des déficits de fonds de pensions, sont également utilisés afin d'analyser le levier financier. Parmi les ratios permettant d'analyser la politique d'investissement et l'efficacité opérationnelle d'une société, nous observons aussi l'évolution des ratios frais de personnel, dépenses en R&D et Capex/chiffre d'affaires. En ce qui concerne les captives des constructeurs, l'évolution des prêts non performants (pour juger la qualité de crédit), le montant total d'encours par rapport au total actif ainsi que la partie en leasing inscrite au bilan sont surveillés.
La Chine est un marché présenté comme solide à moyen terme. Pour quelles raisons ?
La croissance économique du pays reste bien supérieure à celle des pays développés, ce qui constitue le principal catalyseur de la demande de véhicules. La reconduction en 2017 d'un taux de TVA réduit sur les ventes de voitures disposant de petits moteurs ainsi que la progression des services de financement constituent des soutiens à court terme. A moyen terme, le taux d'adoption des véhicules dans le pays est encore significativement inférieur à celui observé dans la plupart des pays développés (environ 100 véhicules par 1 000 habitants contre plus de 600 en Europe), même si une différence significative est constatée entre les villes côtières de l'Est, saturées avec une densité comparable aux pays avancés, et les régions internes, moins développées et pour cela moteurs de croissance de la demande.
Vous parlez d'une possible remise en cause de l'accord de libre-échange nord-américain (Aléna). Quelles en seraient les conséquences ?
A court terme, une altération marquée des accords en vigueur risque de bouleverser une chaîne d'approvisionnement jusqu'ici bien intégrée. L'application de barrières tarifaires évoquée par l'administration Trump aurait comme conséquence immédiate une remontée des coûts de production qui seraient absorbés probablement par les constructeurs, au moins dans les phases initiales. Ces hausses des coûts devraient toutefois transparaître rapidement dans les prix avec un effet dépressif sur la demande finale. Des compensations fiscales seraient à l'étude aux Etats-Unis, notamment une défiscalisation des exportations, mais les risques d'affaiblissement de la profitabilité des constructeurs demeurent car ces derniers ne pourront pas adapter rapidement leur capacité de production pour exporter davantage des Etats-Unis.
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