Rainsy Sam, membre de la SFAF, met à jour son analyse de la performance des marchés mondiaux, près d’un an après la publication de son article « Que peut-on attendre des marchés financiers en 2024 ? ».
Dans l’article « Que peut-on attendre des marchés financiers en 2024 ? » du 24 janvier 2024, un classement des marchés en fonction de leur prime de risque – une mesure de leur attrait relatif les uns par rapport aux autres – a été effectué (voir le tableau « Comparaison des marchés boursiers au 28 décembre 2023 »).
Plusieurs étapes de calcul sont nécessaires avant d’arriver à cette prime de risque.
Partons de la constatation que le PER (price-earnings ratio ou rapport cours sur bénéfice) ne permet pas de mesurer d’une manière opérationnelle la cherté relative d’un marché. En effet, le PER ne tient pas compte du taux croissance prévisionnel des bénéfices ni du taux d’intérêt qui prévaut sur chaque marché. Or, ces deux variables (taux de croissance des bénéfices et taux d’intérêt) influent d’une manière déterminante sur la valorisation des marchés.
C’est la raison pour laquelle il faut corriger ou pondérer le PER par ces deux variables. C’est ce que cherche à faire le délai de recouvrement potentiel (DRP) ou potential payback period (PPP). Le PPP se définit comme le délai nécessaire (en années) pour que la somme des bénéfices par action futurs égalent le cours actuel de l’action, ces bénéfices futurs étant estimés en progression à un taux annuel "g" et étant actualisés au taux d’intérêt "r" qui prévaut sur le marché.
« Que peut-on attendre des marchés financiers en 2024 ? » du 24 janvier 2024>
Prime de risque = IRR – r
Dans le tableau de comparaison des marchés de l’article de janvier 2024, la prime de risque mesure le supplément de rendement qu’un investisseur en actions (comportant forcément un risque) doit obtenir en plus du rendement offert par des obligations d’Etat sans risque. Plus la prime de risque est élevée plus le marché paraît attractif, car cette prime de risque représente une marge de sécurité pour l’investisseur en actions. Cependant, la prime de risque est généralement plus élevée dans des pays où les conditions politiques, sociales et monétaires peuvent entraîner des risques plus accentués par rapport à un autre pays plus stable et plus sûr.
Dans le même tableau, les primes de risque sont les suivantes par ordre croissant : Etats-Unis : 1,26% ; France : 2,31% ; Royaume Uni : 5,01% ; Allemagne : 6,09% ; Taiwan : 6,24% ; Japon : 6,26%.
Source des données pour les PER et les taux de croissance des bénéfices : Simply Wall Street
Neuf mois après la publication de ce tableau, au 2 octobre 2024, les différents marchés ont globalement performé comme l’avait laissé entrevoir leur prime de risque. Le marché taïwanais (+24,0%), avec l’une des primes de risque les plus élevées au début de l’année, a le mieux performé. Le marché japonais (+11,6%) n’a pas monté aussi fortement que prévu à cause d’un resserrement de la politique monétaire par Tokyo et d’une hausse du yen qui compromet la compétitivité des entreprises nipponnes. Le marché français (-1,4%), qui avait la prime de risque la plus faible en Europe au début de l’année, a le moins bien performé par rapport à l’Allemagne (+6,9%) et au Royaume Uni (+5,1%). Le marché américain (+18.9%) a, malgré une prime de risque la plus faible au début de l’année, mieux performé que prévu grâce à des hausses de bénéfices plus importantes que prévu, notamment dans les secteurs liés à l’intelligence artificielle et grâce aussi à une détente de la politique monétaire Outre-Atlantique.
Pour le reste de 2024 et l’ensemble de l’année 2025, les marchés recèlent encore un potentiel de hausse tant qu’ils offrent des primes de risque substantielles, comme les marchés allemand, japonais et taïwanais.
La fiabilité de ce modèle de prévision, fondé sur le PPP et le IRR permettant de calculer la prime de risque, dépend de la fiabilité des données prévisionnelles concernant notamment la croissance des bénéfices. Les variations des taux d’intérêt agissent aussi directement sur la prime de risque. Une bonne gestion de portefeuille nécessite l’actualisation périodique de ce tableau de comparaison de marchés par l’introduction de nouvelles données dès leur disponibilité.
Le mérite de ce modèle synthétique réside dans la relation rigoureuse et cohérente qu’il permet d'établir pour la première fois entre des données essentielles à l’évaluation des actions que sont le PER, le taux de croissance des bénéfices, et le taux d’intérêt.