Le 6 mai dernier, la SFAF organisait une conférence avec le PDG de Véolia sur le rapprochement avec Suez. Hubert Mathet, responsable du groupe de travail Gouvernance de la commission Analyse extra-financière de la SFAF, développe ici différents points sur la gouvernance des sociétés cotées, la gestion du Conseil d'administration et les missions de ses membres.
On n'en demandait pas tant : questionné par un membre du groupe de travail Gouvernance de la SFAF sur l'âge moyen de son Conseil d'administration, Antoine Frérot a répondu que Serge Michel, devenu administrateur en 2003 à 77 ans (bousculant ainsi tous les schémas « classiques »), avait été l'un des meilleurs qu'ait connus le groupe, parce qu'à son âge, « il n'avait que ça à faire et connaissait donc chaque directeur de divisions ».
Même nuancé d'une dose de malice, dont sait assurément faire preuve Antoine Frérot, ce propos révèle trois constats très importants :
- La limite d'âge instaurée dans les statuts des entreprises est un critère qui s'apprécie au cas par cas quand il s'agit de renforcer les compétences d'un Conseil d'administration.
- La situation de retraité de Serge Michel et la disponibilité qui en découlait lui permettaient de se consacrer sans limite de temps à sa mission.
- La connaissance du terrain est un critère visiblement apprécié par le Président du Conseil d'administration de Veolia.
Quel plaidoyer en faveur de la limitation des mandats.
Mais la démonstration ne s'arrête pas là. D'autres questions sont venues braquer les projecteurs sur des aspects de la gouvernance des sociétés cotées en Bourse qui ne sont pas anodins.
Antoine Frérot est à l'origine de la création en 2013 d'un « Comité des Critical Friends », défini par l'entreprise comme « un espace de réflexion collective qui a pour objectif d'apporter au haut management de l'entreprise le regard d'observateurs externes sur des sujets stratégiques en lien avec sa responsabilité sociétale et environnementale pour nourrir et accompagner la démarche de progrès continu du groupe. Ce comité se compose de personnalités issues des mondes associatif, institutionnel et académique et de représentants des parties prenantes de l'entreprise (clients, fournisseurs, générations futures) ».
Voici donc une description qui ressemble étrangement aux attributions « classiques » des administrateurs. Si la mission des administrateurs, indépendants ou non, n'est justement pas la critique « constructive » du management exécutif et l'élaboration de la stratégie de l'entreprise, et qu'il faille leur adjoindre ce type de boîtes à idées, alors on devrait continuer de voir proliférer ces « comités » dont la frontière avec le Conseil d'administration semble pour le moins ténue.
Autre exemple français, la société SES Imagotag arbore un « Advisory Board », avec à sa tête rien de moins que l'ancien directeur général puis Président du Conseil d'administration de Nestlé, Peter Brabeck. Dans ce cas précis, certains administrateurs de SES sont membres de l'Advisory Board.
On peut penser qu'un certain carcan semblerait corseter les Conseils d'administration au point que certains dirigeants de sociétés cotées vont chercher des ressources humaines supplémentaires pour étoffer leur cercle de réflexion. Il faut ici rappeler que les managements non exécutifs ont parfois besoin de compétences extérieures, qu'il n'est pas forcément possible, voire opportun, d'intégrer au Conseil. Ces interventions ponctuelles font intégralement partie de la liberté de manœuvre des Conseils d'administration. Comme toujours, il faut savoir observer et décrypter ces « signaux faibles » de la gouvernance pour évaluer la qualité du travail des instances dirigeantes.
À cet égard, il est aussi nécessaire de distinguer ici le cadre assurément plus contraignant des sociétés faisant appel public à l'épargne de celui plus novateur des start-up, très friandes de ces « Advisory Boards » destinés à combiner réflexion stratégique et souplesse de fonctionnement.
On est assurément ici dans le domaine de la nuance des compétences et des rôles qui touche néanmoins au cœur du réacteur.
L'entreprise a en effet besoin, parmi ses administrateurs, d'indépendance de vue et de disponibilité, facteurs indispensables pour un bon fonctionnement de l'attelage actionnaire – Conseil d'administration – management exécutif.
À cet égard, le terme « critical » employé par Veolia est loin d'être neutre. À l'évidence, ce think-tank a une parole « libérée ». Pourquoi donc ne serait-ce pas le cas en conseil d'administration ?
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