Bénédicte Hautefort et Marianne Hugoo, Hebdo des AG
Malgré un plafond de sanctions multiplié par 100 depuis 2008, le nombre de sanctions de l'AMF est resté stable, entre 20 et 30 par an. Si aucune corrélation n'a pu être établie entre le montant de la sanction et la chute du cours, les études montrent une baisse le jour de la publication de la sanction et pendant les 5 jours suivants. De quoi entacher la réputation de l'entreprise.
Avec la loi du 4 août 2008, le plafond des sanctions pécuniaires qui peuvent être prononcées à l'encontre des professionnels que l'AMF contrôle a été élevé de 1,5 million à 10 millions d'euros (ou au décuple du montant des profits). C'est à cette époque que les sanctions sont donc devenues de plus en plus dissuasives. Deux ans plus tard, avec la loi du 22 octobre 2010, le plafond des sanctions pécuniaires a été multiplié par dix pour atteindre le montant maximum de 100 millions d'euros.
Malgré cette augmentation dissuasive des plafonds des sanctions pécuniaires applicables, le nombre d'infractions sanctionnées reste stable, entre 25 et 30 par an. 2008 ressort comme une année record durant laquelle 33 sanctions ont été prononcées. L'année suivante, l'AMF a sanctionné des entreprises délictueuses à 24 reprises et cette baisse semble se pérenniser puisqu'en 19 sanctions ont été prononcées en 2012. Nous notons également en 2012 l'apparition des « transactions » ou « compositions administratives » (settlements), ce qui participe à la réduction du nombre de sanctions.
Le pouvoir de sanction est centralisé depuis 2003 à la Commission de Sanctions de l'AMF avec la possibilité depuis 2011 pour les entreprises de « transiger » avec le Collège. Jusqu'à la loi du 1er août 2003 instaurant l'Autorité des Marchés Financiers et parallèlement la Commission des sanctions qui lui est rattachée, il existait plusieurs autorités de sanction qui étaient :
- le Conseil des marchés financiers ;
- la Commission des opérations de Bourse ;
- le Conseil de discipline de la gestion financière.
Depuis, ces trois institutions ont été rassemblées sous l'égide de l'AMF. Le pouvoir de sanctionner les infractions boursières revient donc à la Commission des sanctions de l'AMF.
Il est important néanmoins de souligner la distinction entre le Collège de l'AMF et la Commission des sanctions : l'une exerce son pouvoir de poursuite tandis que l'autre a un pouvoir de sanction (article L. 621-2, I du code monétaire et financier).
Malgré cette distinction, une évolution réglementaire de 2008 a instauré la représentation du Collège aux séances de la Commission. Le Président de l'AMF désigne un membre du Collège, ou des services de l'AMF, pour les représenter lors des séances de la Commission des sanctions. Le rôle de ce représentant du Collège devient d'autant plus important que les « transactions », qui rendent possible depuis 2011 la condamnation de l'entreprise sans que cela implique une audience publique, se développent en substitution des « sanctions ». Or, les transactions relèvent du Collège de l'AMF quand les sanctions ne relèvent que de la Commission des sanctions.
Depuis 2011, les sociétés préfèrent transiger : solution plus discrète, plus rapide et relevant du Collège.
La transaction - ou « composition administrative » - a été introduite par la loi de régulation bancaire et financière puis précisée dans le décret d'application du 16 août 2011. Cette alternative à la sanction peut s'appliquer, entre autres, en cas de manquements aux obligations professionnelles, dans les cas d'abus de marché (comme la diffusion de fausses informations et la manipulation du cours de Bourse) ou pour les manquements en matière de transparence.
Bien que publiée au même titre qu'une sanction, la transaction a deux avantages pour les entreprises concernées : elles sont plus discrètes que les sanctions du fait de l'absence d'audience publique et elles ne sont pas déclarées comme antécédent judiciaire. De plus, la procédure de la transaction est beaucoup plus rapide que celle de la sanction attribuée par la Commission de l'AMF. On compte en moyenne 7 mois de procédures pour une transaction contre plusieurs années pour une sanction (en incluant les recours devant la Cour d'appel).
Enfin, à la différence de la sanction, prononcée par la Commission des sanctions, une transaction ne peut être enclenchée uniquement sur proposition du Collège de l'AMF. Il est possible que ce Collège, constitué de façon paritaire avec des représentants des différentes parties prenantes de l'écosystème financier, soit perçu par les entreprises comme plus pertinent que la Commission des sanctions.
Plus de la moitié des manquements sanctionnés relèvent d'un manque de transparence.
Il existe plusieurs types de manquements susceptibles d'être sanctionnés par l'AMF : manquement aux règles relatives à l'information du public, manquement d'initié, manquement de manipulation, etc. L'évolution de la répartition des manquements les plus sanctionnés est significative car elle révèle ce qui devient primordial aux yeux de l'AMF et ce qui est considéré comme moins important au fil des années.
Alors qu'en 2014, la majeure partie (51%) des sanctions prononcées par l'AMF était relative à des manquements aux règles applicables aux professionnels, cette catégorie ne représente plus que 6% des cas en 2016.
Le changement majeur entre 2014 et 2016 réside dans le pourcentage que représente les sanctions liées aux manquements aux règles relatives à l'information du public, c'est-à-dire, à la transparence. En effet, en 2014, ces manquements ne représentaient que 32% des cas alors qu'en 2016, 55% des sanctions prononcées sont relatives à un manque de transparence de la part des entreprises.
La médiatisation de la sanction peut provoquer jusqu'à 10% de chute de cours quand des transactions de montant équivalent, mais non médiatisées, laissent les marchés indifférents.
Selon l'étude conduite par Thierry Kirat et Amir Rezaee intitulée « Do financial markets react to regulatory sanctions? Evidence from France » et publiée en 2015, les marchés ne réagissent pas au montant de la sanction, mais à sa médiatisation. Aucune corrélation n'a pu être établie entre le montant de la sanction et la chute du cours. En revanche, l'étude montre que le jour de la publication, le cours baisse en moyenne de 1,33% (mais peut aller jusqu'à 8,7% dans certains cas) et baisse encore de 1,9% le lendemain de l'annonce. En moyenne, le cours recule durant 5 jours avant de se stabiliser de nouveau, signe que la médiatisation d'une amende entache significativement la réputation de la société.
Parmi les exemples français de ces dernières années, citons, parmi des sociétés de toutes tailles :
- Chute de 5,31% du titre BNP Paribas le 29 mai 2014, à l'annonce d'une pénalité encourue de 10 Mds dollars par l'administration américaine.
- Chute de 6% du titre Tarkett après l'annonce d'une possible amende de 150 millions d'euros, le 21 Juillet 2017, par l'Autorité de la Concurrence.
- Chute de 3,3% du titre PSA après des révélations sur l'enquête « Dieselgate », avec une amende possible jusqu'à 5 milliards d'euros.
Bénédicte Hautefort et Marianne Hugoo, Hebdo des AG
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