Le sujet de la gouvernance, étudié dans le dossier l'édition 68 de la revue Analyse financière (juillet 2018), n'est pas nouveau mais son actualité interpelle de plus en plus, notamment dans le cadre des évolutions réglementaires et économiques de ces dernières années, dont la loi PACTE présentée en Conseil des ministres le 18 juin 2018. Entretien avec Agnès Touraine, présidente de l'IFA (l'Institut français des administrateurs), association professionnelle visant à apporter aux administrateurs toutes informations, formations et expertises nécessaires à l'exercice de leur fonction.
L'article 62 du projet de loi PACTE renforce la présence des administrateurs salariés en portant leur nombre à deux dans les conseils d'administration comportant plus de huit membres. Il prévoit également un renforcement de la formation de ces administrateurs. Sur ce sujet de la représentation des salariés, comment se situe la France au niveau international ?
Le projet de loi PACTE renforce significativement la présence des administrateurs représentant les salariés dans les conseils et permet de favoriser leur professionnalisation. Le projet de loi PACTE précise également que les administrateurs représentants les salariés ont les mêmes droits et les mêmes obligations que les autres administrateurs.
La France se distingue parmi les pays européens qui reconnaissent un droit de représentation aux salariés au sein des organes d'administration ou de surveillance. Ceux-ci prévoient en général des seuils plus bas et instaurent une proportion d'administrateurs au sein des conseils, alors que le dispositif français prévoit un nombre précis d'administrateurs : deux quand un conseil d'administration compte plus de huit membres, sinon un seul.
Comme aux Etats-Unis, la montée en charge de l'activisme fait partie des sujets d'actualité en Europe, où cette tendance s'accentue depuis 2017. Selon certaines études, l'activisme créerait de la valeur. Selon vous, est-ce une réalité ?
Ce mouvement, né aux Etats-Unis, est désormais mondial. Il arrive en Europe et s'accélère. Les activistes attaquent les entreprises en utilisant parfois des stratégies accompagnées de ventes à découvert pour faire baisser le prix de l'action. Les stratégies média de dénigrement font également partie de leurs armes.
Les activistes interviennent partout dans le monde, souvent avec le prétexte de la gouvernance. Les conseils sont en première ligne face aux problématiques soulevées par les fonds activistes. Rappelons que, généralement, ces derniers promettent de 20 à 25% de rentabilité à leurs actionnaires. Ces chiffres sont difficilement compatibles avec une gestion à long terme de l'entreprise. Leurs recettes pour y parvenir sont connues : compression des investissements, cession d'activités…
Les administrateurs doivent donc absolument s'y préparer tant par l'allocation de ressources d'écoute des marchés et des signaux faibles que par des scénarios de réponse.
L'un des constats de l'étude « Baromètre IFA – Ethics & Boards de la composition des conseils du CAC 40 » (publiée en juin 2018) concerne la position de la France qui serait exemplaire en matière de diversité au sein des conseils. Peut-on conclure que les compétences des administrateurs sont aujourd'hui adaptées à la diversité des risques que peut rencontrer l'entreprise ?
La gouvernance à la française se compare aujourd'hui sans rougir aux standards internationaux. La diversité d'expériences et de parcours des administrateurs s'accroît, même si des progrès restent à faire en matière de compétences fonctionnelles (voir l'encadré ci-dessous). L'appropriation des questions du type cyber-risque, intelligence artificielle ou éthique doit continuer d'enrichir les travaux du conseil d'administration pour maintenir et créer de la valeur nouvelle.
Dans une économie en perpétuel changement, la diversité des conseils leur permet de faire preuve d'adaptabilité et d'agilité. Ces qualités leurs permettent de s'adapter aux opportunités et risques que peut rencontrer l'entreprise.