Patrick Starkman est directeur général du think-tank « Confrontations Europe » depuis septembre 2019. Il s'exprime ici sur les contours d'un des projets phare de l'association, « Vers un capitalisme responsable », dont l‘objectif est de donner des repères au moment où la Commission européenne aborde un nouveau mandat.
Dans son discours de mi-septembre lors de l'Eurofi Financial Forum, Bruno Le Maire, Ministre de l'économie et des finances, a formulé 7 propositions pour réformer l'Union des marchés de capitaux (UMC), mettant notamment en avant un projet d'Union de l'investissement et de l'épargne. Selon vous, quels sont les sujets prioritaires pour finaliser ce dispositif ?
Les ambitions initiales de la mise en œuvre de l'UMC en 2015 étaient élevées et des progrès ont été accomplis. Cependant, on peut constater des faiblesses, comme l'insuffisance du renforcement des pouvoirs des autorités européennes de supervision pour arriver à une application harmonisée en Europe des nouvelles règles adoptées. Au-delà des réformes institutionnelles à achever, il convient de s'atteler aux demandes des citoyens en matière d'épargne long-terme orientée vers des projets écologiquement et socialement responsables. Il faudra également que des mesures incitatives soient prises pour favoriser le financement de projets d'intérêt général, impliquant nécessairement une dimension paneuropéenne pour être efficace, comme par exemples la décarbonatation de la production d'énergie et des transports ainsi que l'accès pour tous aux outils numériques.
La Semaine de la finance responsable vient de s'achever. Pensez-vous que la mobilisation apparente des acteurs financiers soit synonyme d'une entrée dans un nouveau chapitre du capitalisme ?
Il est dans l'intérêt de chacun d'élaborer une réponse commune pour un capitalisme européen adapté aux préoccupations des citoyens : réchauffement climatique, économie sociale, solidarités régionales, etc. Un tel cadre devrait permettre le déploiement d'une nouvelle stratégie de développement pour l'Europe basée sur la complémentarité et la coopération des acteurs de la finance pour rouvrir la question du rôle des marchés financiers, des biens communs et de l'entreprise. Cette nouvelle stratégie de développement devrait servir pour construire un nouveau projet de société pour les Européens.
Récemment, l'Association française de la gestion financière (AFG) a publié un livre blanc comprenant 3 thématiques, dont une centrée sur l'éducation financière. Est-ce aussi un thème de réflexion pour « Confrontations Europe » ?
L'éducation financière est essentielle pour que chaque personne puisse prendre des décisions éclairées concernant son épargne, sa retraite, ses investissements, etc. Plus largement, il est important que des concepts économiques basiques, et leurs implications dans la vie quotidienne, soient enseignés notamment auprès des plus jeunes pour qu'ils deviennent des citoyens responsables et comprennent le monde qui les entoure. « Confrontations Europe » organise depuis le début de l'année 2019 un tour d'Europe (Solidarity Tour), réunissant des jeunes, Belges, Français, Grecs, Hongrois, Polonais, Tchèques et Serbes, issus de milieux non-favorisés, afin de parler des questions qui les préoccupent… Il reste beaucoup à faire en matière d'éducation dans ce sens, partout en Europe.
Nombre d'acteurs se plaignent de la lourdeur de la réglementation financière imposée depuis la dernière crise. Quelle est votre opinion ?
C'est en effet une question récurrente et pour laquelle je ne connais pas de modèle parfait. Pour avoir été du côté du régulateur pendant de nombreuses années, je sais qu'il est difficile d'arbitrer entre la nécessité d'établir des règles simples mais suffisamment précises pour guider ceux qui les appliquent dans des cas parfois complexes. Le travail de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) est parfois critiqué pour la profusion des guideline ou avis qu'elle produit. Ces critiques proviennent souvent de questions posées par des acteurs de la finance qui n'arrivent pas à faire le lien entre leurs activités et une règle.
Un écueil est à éviter, celui de l'élaboration de normes « en silo », c'est-à-dire sans prendre en compte ce qui existe, au risque d'alourdir inutilement la législation. Dans un marché ouvert, comme celui de l'Union européenne, le plus important pour les épargnants reste d'avoir un niveau de protection égal quel que soit le lieu où se situe le vendeur d'instruments financiers.
Entretien réalisé par Michèle Hénaff, rédactrice en chef de la revue Analyse financière
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