Les montants prêtés aux entreprises via les plates-formes de prêt continuent d'augmenter (+46 % ), tout en restant inférieurs aux espérances. Dans un effort de transparence, les sociétés, réunies sous l'égide de Financement Participatif France, ont décidé d'harmoniser leurs indicateurs de performance. Une démarche positive mais difficilement compréhensible pour les particuliers, selon Mathieu George, fondateur de crowdlending.fr, agrégateur et comparateur de plates-formes de crowdlending .
Que pensez-vous de l'harmonisation des pages statistiques des plates-formes de prêt participatif annoncée par FPF début novembre 2017 ?
Cette harmonisation est une bonne chose a priori. Une des questions à se poser est de savoir qui contrôle les calculs permettant d'aboutir à ces indicateurs et quelle en est la fréquence réelle. Les membres du forum de crowdlending.fr ont d'ailleurs déjà détecté des erreurs sur les statistiques présentées par certaines plates-formes de prêt, qui ont été corrigées depuis. De plus, toutes, telles Lendix (n° 1) ou Wesharebonds, ne sont pas membres de Financement Participatif France et elles n'ont pas forcément prévu de s'aligner sur les indicateurs promus par FPF. Enfin, cette harmonisation ne permet pas une comparaison entre plates-formes européennes, même si certains acteurs s'y attellent, comme Altsi en Angleterre ou Orchard aux États-Unis, en allant chercher les données pour effectuer eux-mêmes leurs calculs. C'est ce que j'essaie de faire en France, avec difficulté car il est difficile d'accéder aux informations.
Dans le choix des indicateurs, vous indiquez que le taux de rendement interne (TRI) n'est pas pertinent, pourquoi ?
Le TRI a pour objectif de faciliter la comparaison avec d'autres placements ainsi que les millésimes entre eux (2014, 2015, 2016). Il repose sur l'estimation, par les plates-formes, du bon remboursement des projets futurs : je défie quiconque de savoir combien de projets seront en défaut dans les deux prochaines années. Avancer que les projets investis en 2014 sont à -0.30 % de TRI contre 3 % pour ceux investis en 2015 ne correspond à aucune réalité. Il existe davantage de projets non terminés dans le millésime 2015 par rapport à celui de 2014, donc plus de risques que les projets lancés en 2015 soient en défaut.
L'âge moyen des prêts semble plus approprié pour comparer les plates-formes entre elles…
Deux plates-formes ayant le même âge moyen de prêts, par exemple 40 mois, sur le même millésime devraient avoir un risque de défaut identique si elles sélectionnent correctement les projets. Si une plate-forme a un âge moyen de prêt de 2 mois et une autre 40 mois, dans le premier cas, les prêts n'ont presque pas été remboursés donc le taux de défaut peut être beaucoup plus important que dans le second. Pour comparer correctement les plates-formes, il faut donc corréler plusieurs indicateurs de la liste proposée par FPF, tels que TRI et âge moyen des prêts. Ce n'est pas à la portée de n'importe quel particulier…
Doit-on en conclure que les plates-formes n'ont pas encore démontré leur rentabilité ?
Pour obtenir cette preuve, il faudra attendre qu'un certain nombre de prêts soient complètement remboursés. Sachant que les remboursements s'étalent sur 3-4 ans en moyenne, seuls les premiers arrivent à échéance aujourd'hui. Jusqu'à présent, plusieurs plates-formes ont plutôt prouvé que ce n'était pas rentable même si, à âge moyen comparable, certaines offrent un meilleur taux de défaut. Toutefois, cette liste permettra de comparer la rentabilité des plates-formes selon leur secteur et de choisir ceux qui annoncent de bons indicateurs (prêts aux PME, immobilier, énergies renouvelables…).
Le marché du crowdfunding se développe, stimulé notamment par l'intérêt croissant des fonds de prêts à l'économie dont l'objet est de financer les PME-PMI par l'intermédiaire des plates-formes. Il faudra s'assurer de la rentabilité pour les investisseurs, mais surtout attirer les porteurs de projet, les entreprises en bonne santé bénéficiant de prêts bancaires à un taux intéressant.
Contact : revue@sfaf.com
Source : Baromètre du Crowdfunding en France pour le 1er semestre 2017 réalisé par KPMG pour Financement Participatif France.
Mathieu George est également l'auteur de Investir en crowdlending, mode d'emploi (2015).