L'Assemblée nationale a voté, le 7 janvier 2020, une proposition de loi à l'initiative d'un groupe de députés, avec le soutien du secteur bancaire, pour faire pression à propos de la transposition en Europe du texte final de Bâle 3, Bâle 4 selon les investisseurs. Analyse de Jean-Baptiste Bellon, analyste financier membre de la SFAF.
Suite à la crise de 2007-2008, les banques ont dû augmenter significativement la qualité et la quantité de fonds propres (en moyenne x2) dans un cadre de supervision mixte fondée sur les outils de mesure interne (les actifs pondérés par les risques ou RWA – Risk-Weighted Assets – qui entrent dans le calcul des ratios de CET1 – Common Equity Tier 1) et de mesure « externe » (ratio de levier), une mesure peu « manipulable » par les banques. Cette logique a été poussée un peu plus loin par le compromis de décembre 2017, avec la modification du calcul du ratio CET1, dans lequel le bénéfice de la pondération est limité. Les bénéfices des modèles internes sont limités à 72.5 % du chiffre calculé par des modèles standards (introduction d'un plancher ou floor). La récente proposition de loi des députés français pose deux questions :
- Quels « principes fondamentaux » ne seraient pas respectés ?
- En quoi la concurrence entre banques européennes et américaines serait faussée ?
Le principe fondamental évoqué, jugé non respecté, serait le fait que les fonds propres « n'augmentent pas significativement ». Les études d'impact de l'EBA montrent une hausse de l'ordre de 100Mds€ (+25 % pour les grandes banques). Cet impact est certes important mais il semble absorbable par la plupart des banques européennes (cela représente entre 1 et 2 ans de profits). Cependant, il pose problème pour les banques les plus faibles, celles dont le modèle économique n'est pas rétabli et dont la rentabilité est encore trop faible (le RoE moyen du secteur en Europe est de 7 %). Les études, qui avancent des chiffres plus élevés, reposent, eux, sur des objectifs de solvabilité significativement plus élevés (des ratios à 14 % contre environ 12 % pour l'EBA) .
Les banques américaines sont moins touchées car leur modèle économique repose sur la sortie du bilan des actifs peu risqués (via la titrisation) et parce que leur supervision est « proportionnée », autrement dit, les règles prudentielles applicables aux banques varient en fonction de leur taille. Seules les très grandes banques – et notamment les 8 banques systémiques – sont soumises aux règles de Bâle 3, les autres banques – près de 5 000 établissements qui comptent pour la moitié des actifs du secteur – sont soumises à des règles qui vont du simplifié au très simplifié, mais sans que cela n'implique nécessairement des fonds propres faibles . La situation des banques américaines est satisfaisante (le RoE des grandes banques est de 12 % en 2019) avec le soutien d'une situation économique favorable en termes de croissance et il est vrai qu'elles gagnent des parts de marché, notamment pour les activités de BFI.
Pour autant, il y a bien des sujets dans l'application du texte, contrairement à ce que soutiennent certains observateurs : en effet, s'il est important pour les investisseurs que le cadre de Bâle 3 soit transposé en l'état dans les textes européens, l'application aux domaines internes à l'Europe peut en être adaptée. Des crédits essentiels (PME, infrastructures, etc.) bénéficient aujourd'hui d'une réduction de pondération en capital (facteur de soutien), notamment en Europe, le cadre global prenant mal en compte leurs caractéristiques. Il est légitime de suivre ces dispositifs et de vérifier leur pertinence. Dans la mise en place par les superviseurs, ceux-ci disposent de flexibilité sur d'autres aspects réglementaires comme la proportion de capital « dur » ou le niveau d'application (groupes consolidés et non au niveau de chaque entité active en Europe). Il faut mieux réguler et non moins réguler. L'Europe doit apprendre à faire, de manière intelligible, des choix de souveraineté, à l'instar de ce que font les Etats-Unis.
Contact : analysefinanciere@sfaf.com
Voir par exemple l'étude commandée par la FBE qui reste cependant assez superficielle.
Les banques dont le bilan est inférieur à 10Mds$ sont soumises à une seule contrainte : disposer d'un ratio de levier supérieur à 9% (fonds propres sur total de bilan).
Voir par exemple la réaction très outrée de Finance Watch.