Fin avril, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a publié le document « Communication sur l'activisme actionnarial ». Le groupe de travail Gouvernance de la commission Analyse extra-financière de la SFAF revient ici sur la réglementation en vigueur et les notions d'actionnaire activiste, de dialogue actionnarial et d'action de concert.
En publiant en avril dernier « Communication sur l'activisme actionnarial », l'AMF est intervenue en écho au rapport d'information de la Commission des Finances déposé le 2 octobre 2019 sur le bureau de l'Assemblée nationale. Parmi les sources de sa réflexion, le régulateur cite un autre rapport « Activisme Actionnarial » publié, quant à lui, en décembre 2019 par le Club des Juristes. Ce document mentionne le « dialogue actionnarial » pas moins de 140 fois au long de ses 90 pages. C'est dire si le sujet est d'actualité.
Rappelons ici que pour l'AMF, les développements de « l'activisme actionnarial » n'appellent pas d'évolution majeure de la réglementation en vigueur.
Bien sûr, quelques ajustements sont proposés, mais le gendarme de la Bourse note bien qu'ils ne se justifient pas strictement par le souci de mieux encadrer l'action des seuls actionnaires engagés : abaissement du seuil légal de déclaration à 3 %, ventes à découvert et prêts de titres, procédures accélérées au sein de l'institution ou de l'ESMA (European Securities and Markets Authority).
L'AMF constate que les actions menées par les actionnaires activistes constituent, le plus souvent, le seul exercice des prérogatives légales dévolues à tout actionnaire. Et de souligner que l'engagement des actionnaires dans la vie sociétaire d'un émetteur est une condition de son bon fonctionnement. L'institution se montre, à cet égard, favorable aux initiatives pour un dialogue « transparent, régulier et ouvert entre un émetteur et ses actionnaires », via des plateformes d'échanges.
L'AMF est ainsi attentive aux libertés et droits des épargnants exercés par leurs mandants. C'est une raison d'être essentielle face aux parties prenantes managériales.
Son constat pose indirectement une question de fond : puisque ce « vide du dialogue actionnarial » est occupé par une catégorie d'individus dont le comportement peut parfois prêter à confusion, comment dès lors motiver les gérants institutionnels vers une plus grande implication dans les rapports entre actionnaires et/ou avec le management et lors des votes en assemblées, sans craindre « l'action de concert » ou d'agir contrairement à des directives de prospectus telles que « ne pas acquérir d'actions avec droits de vote lui permettant d'exercer une influence notable sur la direction d'un émetteur ».
La « White List » des actions considérées comme n'étant pas de concert visées par l'ESMA dans sa directive sur les OPA a le mérite d'exister mais renvoie à l'interprétation locale en cas de besoin. Le cadre n'est donc pas de nature à mettre à l'aise tous les acteurs de la place de Paris. Assurément, le régulateur doit ouvrir ce chantier de l'action de concert qui est primordial pour que la question soit le moins possible sujette à interprétation.
Un point de forme nous est aussi apparu important au travers des rapports Woerth, Club des Juristes et communiqué de l'AMF. Il y est fait mention de « l'activisme short » qui posséderait les mêmes « stigmates » que l'activisme long avec ce biais pervers de souhaiter la déconfiture de l'entreprise - à tout le moins celle du cours de Bourse. On oublie ici un peu vite qu'un « short seller » n'est pas un actionnaire puisqu'il a vendu les titres qu'on lui a prêtés. Il s'agit d'un spéculateur arbitragiste dont le moyen de s'exprimer est tout support utile sauf celui de l'assemblée générale.
Ce qui peut paraître contestable est en effet la publicité faite autour d'une campagne de Short selling qui n'a d'autre vocation que d'accélérer l'agenda d'ajustement à la baisse du cours de Bourse. A contrario, les émetteurs se plaignent rarement de voir un analyste financier fixer un cours de Bourse cible au double de l'existant. Pourquoi l'inverse ne pourrait pas être justifié au même titre ?
L'AMF relève d'ailleurs que ces agissements, qui soulèvent d'importantes polémiques, ne nécessitent pas de réguler plus avant puisque les moyens existent déjà au premier rang desquels la faculté dont dispose un régulateur d'interdire les Shorts selling sur un titre donné, comme cela fut le cas en en février 2019 en Allemagne avec Wirecard, voire sur la place de marché entière en octobre 2008.
Groupe de travail Gouvernance - commission Analyse extra-financière de la SFAF