La 3e édition de l'étude MiFIDVision, enrichie de deux enquêtes sur la qualité de l'analyse vue par les émetteurs et par les investisseurs, confirme les tendances de fond observées précédemment : des analystes moins nombreux, plus juniors, des entreprises moins suivies, surtout parmi les petites et moyennes capitalisations. Le bilan collectif est sévère. La réforme MiFID 2, qui visait à faire baisser les coûts de l'analyse financière, n'a pas eu pour effet de la développer, bien au contraire. Réunis au Cercle de l'Union Interalliée, le 6 juillet dernier, les acteurs de la Place ont présenté leurs conclusions et propositions.
Les investisseurs comme les émetteurs constatent une décroissance du nombre d'analystes et une baisse de la qualité de leur production. En ce qui concerne les grandes capitalisations, précise Maxime Mathon pour la SFAF, le décrochage du nombre de sociétés suivies par au moins 10 analystes est très net, passant de 59 émetteurs en 2018 à seulement 13 en 2021. Le nombre de sociétés suivies dont la capitalisation est inférieure à 150 millions d'euros, a baissé de 14 % entre 2018 et 2021. Aujourd'hui, 31 % des sociétés ne sont pas suivies, contre 28 % en 2018. Le nombre d'études publiées sur les sociétés françaises par les bureaux d'études français poursuit également sa décroissance, principalement sur Eurolist A. La baisse du nombre global d'études déclarées sur les sociétés du marché Euronext Paris est régulière : 1683 en 2021, contre 1732 en 2019 et 1960 en 2018.
Cependant, le besoin d'analyse est là, indispensable au bon fonctionnement des marchés, à la liquidité et au financement des entreprises. L'avenir de l'analyse constitue un enjeu de Place essentiel, rappelé par la nouvelle dirigeante de la Bourse de Paris, Delphine d'Amarzit, qui souligne un contexte porteur, marqué par la progression forte des introductions : au 1er trimestre 2021, Paris a représenté 43 % des capitaux levés sur Euronext, contre 28 % pour Amsterdam. Revenant sur le rapport du Groupe de travail Europlace relatif à l'attractivité de la Place de Paris pour les émetteurs, paru le 29 juin dernier, Arnaud de Bresson insiste particulièrement sur les nécessaires compétences et expertises à développer dans le domaine de l'analyse des sociétés de la « tech ». Accompagner les entreprises à grandir et les licornes à choisir le marché français pour se financer, c'est le vœu formulé par Éric Pinon, président de l'AFG, qui affirme « qu'il y a un bel avenir pour le monde de l'analyse », dès lors que celui-ci couvrira un « spectre large ». Il cite la couverture des ETI et PME, le développement de la recherche sponsorisée et la prise en compte de « la révolution ESG », par les investisseurs comme par les sociétés, quelle que soit leur taille. Les études le montrent, l'intégration de l'extra-financier prend, en effet, une importance croissante dans l'évaluation de la qualité de l'analyse par les émetteurs et elle se développe pour la majorité d'entre eux.
Ces enjeux constituent des tendances prometteuses, auxquelles on ajoutera l'européanisation des analystes, tant en termes d'implantation dans les Etats membres que de valeurs suivies et de recherche sponsorisée. En 2021, on compte 411 analystes à l'international rattachés à ces bureaux français, contre 287 analystes en 2019 et 261 en 2018.
Les enquêtes, comme les commentaires échangés lors de cette présentation à la presse, le montrent : le métier d'analyste est en pleine évolution, mais il reste un métier de « conviction » affirme François-José Bordonado, vice-président du Cliff. Le représentant des émetteurs insiste sur la spécificité d'un métier, dont la qualité repose sur l'expérience, la relation de long terme avec les entreprises et la bonne connaissance des secteurs d'activité, et s'inquiète de la « juniorisation » des analystes. Or, « pour faire de la bonne finance, il faut une bonne recherche », insiste Christophe Bourdillon, CEO de CDC Croissance, qui ajoute : « la transparence de marché est clé ».
La « bonne recherche », le président de la SFAF, Thierry Giami, en rappelle les trois fondamentaux : indépendance, déontologie et qualification. Il encourage la poursuite des travaux relatifs à une charte de bonnes pratiques de la recherche sponsorisée. Et il demande que soit prise en compte la spécificité du métier de l'analyse financière dans les évolutions réglementaires à venir, afin que sa présence, son indépendance, sa qualité et son professionnalisme soient garantis.