La SFAF accueille favorablement la volonté de l'IASB d'entrer dans une période de « modération » de la normalisation comptable et de centrer les travaux sur l'amélioration de la mesure et de la présentation de la performance.
À l'occasion de la fin du mandat de Michel Prada comme président des ‘trustee', le Palais Brongniart a accueilli, le 1er février 2017, un débat sur les évolutions des IFRS postcrise financière. Cette manifestation a retenu l'attention de la SFAF et notamment de sa commission comptabilité représentée par ses deux co-présidents. Le débat, organisé par Nicolas Véron (Bruegel), posait à Hans Hoogervorst, président de l'IASB (International Accounting Standards Board), des questions sur la pertinence et l'efficacité du travail du normalisateur. Comment expliquer la lenteur de son travail et l'importance des oppositions rencontrées ? Il a ainsi fallu 20 ans pour arriver au texte de la norme IFRS 17 (assurance, publication prévue d'ici juin 2017), 10 ans pour la norme IFRS 16 (leasing) et presque 10 ans pour la norme IFRS 9 (instruments financiers et notamment son volet sur le passage aux pertes attendues).
Lors du débat organisé à la suite de la conférence prononcée en l'honneur de Tommaso Padoa-Schioppa, ex-ministre de l'Economie et des Finances italien et ex-membre du directoire de la BCE qui avait présidé le trustee de l'IASB, Patrick de Cambourg (ANC) a interrogé la qualité de la gouvernance de l'IASB et évoqué comme piste d'amélioration la possibilité d'avoir des coordinations adaptées au contexte européen, voire national. Frédéric Oudéa (Société Générale), de son côté, pointait le manque d'étude d'impact, ce qui a conduit à des oppositions sur IFRS 9 en raison de son caractère pro-cyclique. Pour finir, Steven Maijoor (European Securities and Markets Authority/ ESMA) s'interrogeait sur le choix de retenir des principes conduisant à des disparités d'application des normes et à une importante communication « non gaap » (mesures de performance alternatives / APM – voir à ce sujet la revue Analyse financière n° 53 p.6).
Le président de l'IASB a, pour sa part, rappelé le cadre des réformes dessinées par le G20 aux normalisateurs comptables (sur le risque de crédit et IFRS 9 : plus de provisions, plus tôt dans le cycle) et s'est félicité des rapprochements opérés avec le normalisateur américain (FASB) sur les normes IFRS 15 et 16, tout en reconnaissant que la convergence n'était plus une priorité absolue et qu'il fallait aujourd'hui améliorer l'existant.
La SFAF accueille favorablement la volonté de l'IASB d'entrer dans une période de « modération » de la normalisation comptable et de centrer les travaux sur l'amélioration de la mesure et de la présentation de la performance (better communication). Cela procède d'un heureux changement vis-à-vis de la période précédente, marquée par des maladresses comme, par exemple, le premier projet d'IFRS 9 présenté en 2009, parfait d'un point de vue conceptuel mais inapplicable dans la réalité de la gestion du risque de crédit des banques ou, pire, pouvait engendrer des erreurs. De même, la promotion systématique du résultat global (Compehensive Income, somme du résultat net et des écritures passées directement sur les capitaux propres) comme mesure ultime de la performance, s'est révélée très éloignée des demandes des analystes. Ainsi, le choix de supprimer la norme IAS 17 sur le leasing au profit d'une nouvelle norme IFRS 16, avec comme ambition de réintégrer systématiquement la dette au bilan (y compris pour un simple bail, par exemple, de 3 ans) et d'éliminer les retraitements, ne correspond pas, selon la SFAF, au mode de travail des investisseurs. L'IASB veut maintenant améliorer les états financiers en définissant mieux et un plus grand nombre de soldes intermédiaires dans le compte de résultat (résultat opérationnel, EBITDA…), ce qui devrait permettre aux analystes de bénéficier à la fois d'un meilleur niveau de détail, et aussi, d'une plus grande comparabilité d'une entreprise à l'autre. Des projets, bien plus pratiques, qui ne peuvent que plaire aux analystes, et sur lesquels ces derniers ont donc des attentes très fortes.
L'IASB estime que l'opposition politique aux réformes, c'est-à-dire le poids des lobbys des entreprises, explique aussi la lenteur des modifications. C'est en partie vrai, mais il nous semble sur le plan technique que, bien souvent, les solutions proposées sont trop abstraites et parfois soutenues par des concepts datés. En outre, l'IASB ne réalise pas d'études d'impact sérieuses avant de proposer des textes nouveaux. Il conviendrait donc améliorer son financement et accroître son budget pour lui donner ces moyens. Mais, sur le plan pratique, sa gouvernance pourrait aussi être améliorée pour que son agenda soit plus pertinent (mieux répondre aux vraies préoccupations des analystes) et que les études de suivi (PIR ou Post Implémentation Review) soient réalisées par une entité indépendante et aboutissent vraiment à des ajustements lorsque des défauts ou dysfonctionnements de normes sont identifiés (IFRS 8 et IFRS 3). L'IASB, qui doit sa renaissance à l'Europe, s'est quelquefois montré réticent à l'expression comptable de l'Europe, notamment via l'EFRAG… et vient de retenir la candidature de l'ancienne directrice de cette entité pour être membre du Conseil de l'IASB. Là aussi, l'heure est peut-être à l'amélioration de l'écoute (en particulier des analystes), gage d'amélioration de l'efficacité des marchés, si c'est sur ce type de normes qu'on table.
Jean-Baptiste Bellon,
Président de la Société française des analystes financiers