Michel Berger, membre de la commission Déontologie de la SFAF, fait le point sur la Commission des sanctions de l’AMF, son fonctionnement, qui la compose et ses missions.
Les décisions sur les sanctions
En cas de manquement à la loi ou aux règlements du champ de compétences de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le Collège de l’AMF peut saisir la Commission des sanctions.
Concernant les abus de marchés, le fondement de la saisine est le règlement dit MAR (Market Abuse Regulation) de l’Union européenne (Règlement n°596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché), entré en application le 3 juillet 2016. Comme tous les règlements de l’Union européenne, il s’applique sans transposition en droit national.
Organe autonome dans ses décisions, la Commission des sanctions comporte douze membres, dont quatre magistrats, six professionnels et deux représentants des salariés du secteur financier.
Le processus débute par une décision d’ouverture d’enquête prise par le secrétaire général de l’AMF et se poursuit par une enquête et un rapport établi par la Direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF. C’est une procédure au cours de laquelle les intéressés ont l’occasion d’apporter des explications, avant que, le cas échéant, une notification de griefs n’intervienne par une Commission spécialisée du collège. La Commission des sanctions, est, de ce fait, saisie.
La Commission des sanctions statue après avoir suscité les observations des mis en cause. Sa décision est à charge d’appel devant la Cour d’appel de Paris, la Chambre de la régulation économique et financière (sanctions contre les professionnels ou leurs agents) ou le Conseil d’Etat (autres sanctions).
Bien que la décision de l’AMF soit exécutoire, un sursis à exécution peut être demandé devant la juridiction d’appel (en référé pour le Conseil d’Etat, devant le Premier Président pour la Cour d’appel), le critère en étant la disproportion éventuelle des conséquences de l’exécution par rapport à la situation du sanctionné – sans considération pour les apparences de succès du recours.
Les transactions
Pour éviter une décision de sanction, l’AMF et le mis en cause peuvent transiger par un « accord de composition administrative », homologué par la Commission des sanctions. Celle-ci peut d’ailleurs refuser l’homologation, en particulier dans le cas où elle souhaite obtenir une jurisprudence.
Pour parvenir à une transaction, le dossier doit être analysé, aux fins d’apprécier ses chances de succès, par un tiers objectif qualifié si besoin. L’analyse par un tiers évite ainsi les biais subjectifs et peut être utilisée en défense si intérêt il y a. En cas de défaite face à l’AMF et d‘appel, une transaction pourrait encore être recherchée, directement ou en sollicitant une médiation devant la juridiction d’appel. Cependant, à ce stade, une transaction valide apparaîtrait particulièrement difficile à obtenir, puisqu’elle devrait vraisemblablement être homologuée par la Commission des sanctions, qui s’est déjà prononcée.
Le médiateur institutionnel de l’AMF est un médiateur de la consommation qui n’a pas vocation à intervenir pour permettre une telle transaction. Si une médiation était organisée à ce stade sur initiative des mis en cause, en supposant que l’AMF l’accepte, elle devrait donc l’être hors du cadre du médiateur institutionnel.
Non cumul de poursuites
Depuis une décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 (2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC), un cumul de poursuites devant la Commission des sanctions et devant le juge répressif a été jugée inconstitutionnelle.
C’est ainsi que le manquement d’initié se distingue du délit d’initié par le caractère pénal de la définition juridique de ce dernier, alors que la Commission des sanctions n’est pas et ne peut pas être une juridiction répressive au sens du droit pénal. Notamment, elle ne peut pas prononcer de peines d’emprisonnement. De même, on va distinguer un manquement de manipulation de marché et un délit de manipulation de marché, suivant l’organe décisionnaire.
Un inconvénient de voir une affaire portée devant la Commission des sanctions de l’AMF est qu’une personne qui s’estime lésée ne pourra pas se porter partie civile, contrairement au système correctionnel, dont les conséquences sont potentiellement plus lourdes pour le mis en cause.
La loi n°2016-819 du 21 juin 2016, réformant le système de répression des abus de marché, organise la répartition entre la Commission des sanctions et les juridictions répressives.
Motifs de la décision
En examinant les décisions de la Commission des sanctions de l’AMF, il sera intéressant de faire ressortir la manière dont elle raisonne, tout particulièrement en matière de preuves. En effet, si la commission peut établir les faits par preuve matérielle, elle peut fonder sa décision sur un faisceau d’indices concordants, dont il reste à voir comment cela se traduit en une décision.