Réflexions au regard du 17ème colloque de la Commission des sanctions de l’AMF
Le 24 septembre 2024, s’est tenu le 17ème colloque de la Commission des sanctions de l’AMF au Palais Brongniart à Paris. Au programme des 2 tables-rondes de cette année : « Quelle application du contradictoire dans la procédure de sanction ? » et « La répression de la diffusion d’informations fausses ou trompeuses par les émetteurs ». Quentin Bertrand, membre de la commission Déontologie de la SFAF, revient en particulier sur le premier échange.
A l’issue d’une enquête, le Collège de l’Autorité des Marchés Financiers peut – en qualité d’autorité de poursuite – décider d’adresser une « notification de griefs » à la personne mise en cause, qui matérialisera l’ouverture d’une procédure de sanction et la saisine de la Commission des sanctions (art. L.621-15 du Code monétaire et financier).
Le courrier de notification de griefs constitue un tournant pour l’exercice des droits de la défense puisqu’il marque le début de la phase contradictoire. Toute la phase préalable d’enquête n’est en effet pas soumise au contradictoire mais à un principe plus restreint de « loyauté ». Ce qui impose seulement aux enquêteurs de « ne pas compromettre irrémédiablement les droits de la défense » (Cour de cassation, chambre commerciale, 6 septembre 2011, n°10-11.564) et donc notamment de verser au dossier tous les éléments à charge et à décharge susceptibles d’éclairer les griefs notifiés.
En pratique, les enquêteurs procèdent donc unilatéralement à la sélection des pièces du dossier auxquelles le mis en cause et la Commission ont ensuite accès de façon égalitaire. Cette particularité de la procédure de sanction AMF est régulièrement remise en cause par les personnes poursuivies, qui peuvent légitimement douter que l’intégralité des éléments à décharge ont été joints au dossier.
Plusieurs d’entre eux ont récemment imaginé de solliciter auprès du rapporteur de la Commission des sanctions, dès l’ouverture de la phase contradictoire, la production de pièces nouvelles (par exemple SAN-2023-16 du 27 novembre 2023 ; SAN-2024-02 du 24 janvier 2024 ou encore CA Paris, 24 mars 2022, n°20/08390).
La Commission a eu l’occasion de revenir sur ces demandes lors de son dernier colloque et a laissé entendre qu’une telle demande de production de pièces nouvelles pourrait a priori être accueillie favorablement par le rapporteur.
Elle a par ailleurs esquissé les conditions de recevabilité d’une telle demande, qui devrait porter sur une pièce sensible et être justifiée par des éléments circonstanciés permettant de démontrer son caractère utile pour l’exercice des droits de la défense.
Par ailleurs, le rapporteur devra nécessairement mettre en balance l’utilité de la demande avec la protection des intérêts tiers éventuellement en cause et, notamment, la vie privée – particulièrement si la demande porte sur la production de courriels – ou encore des secrets des affaires. A cet égard, un intervenant de la table ronde a habilement suggéré d’introduire une obligation de confidentialité à la charge des parties, qui pourrait remplir la fonction par exemple dévolue au secret de l’instruction en matière pénale et, ainsi, garantir que les informations recueillies dans ce cadre ne soient ensuite pas diffusées. Il pourrait en effet s’agir d’une garantie utile pour accorder au mis en cause le droit d’accéder à des pièces nouvelles.
Il faut, en tout état de cause, se réjouir des réflexions de la Commission, qui semble envisager de faire évoluer sa pratique afin d’accorder aux mis en cause davantage de moyens d’exercer le contradictoire en leur permettant d’accéder à des pièces nouvelles devant le rapporteur. Si de telles demandes devraient en pratique être accueillies dans des hypothèses limitées, elles constitueraient une « brèche » souhaitable au principe trop sévère de la sélection unilatérale des pièces du dossier par les enquêteurs.