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16/04/2025 Déontologie

Assurer l'indépendance des analystes et gérants : un indispensable pour la SFAF

En avril 2024, la commission Déontologie de la SFAF a interrogé les membres de l’association au sujet de l’indépendance des analystes financiers et gérants d’actifs. Composée d’une trentaine de questions, cette enquête a permis d’apporter un éclairage sur la réalité de l’indépendance des analystes et gérants, en prenant en considération les pressions qu’ils subissent, l’impact de MiFID 2 ou encore l’existence ou non d’un code de déontologie.

L’enquête a été réalisée auprès des membres de la SFAF et a recueilli 89 réponses, soit 10,3% des membres concernés par le sujet(1). Parmi les participants, 72% sont des hommes et 28% des femmes, une part plutôt basse(2). 92% des répondants ont plus de 10 ans d’expérience dans leur métier et sont répartis ainsi : 49% en gestion d'actifs, 11% en analyse indépendante, 11% en conseil, 9% en banque sell-side et grande clientèle, 7% en PSI indépendants, 6% en évaluateur et 4% en assurance.

Indépendance dans la théorie, moins dans la pratique ?

Une grande majorité de répondants (82%) accorde un niveau d’importance élevé à la question de l’indépendance des analystes et gérants. Cependant, la totalité devrait selon nous y accorder une telle importance, car nous rappelons que tous les répondants exercent un métier soumis à des conflits d’intérêt. A titre d’illustration, parmi les 12% ayant répondu « assez important » et les 4% ayant répondu « peu important » figurent des métiers particulièrement concernés, comme la banque sell-side et grande clientèle, et la gestion d’actifs.
Aussi, dans les faits, le niveau d’indépendance apparaît limité, en dépit de la mise en place de MiFID 2, dont l’effet semble avoir été neutre. La relation de l’analyste financier et du gérant vis-à-vis du management ou des entreprises qui sont en relation commerciale manque, selon nous, d’indépendance.

Pressions managériales...

Une rémunération variable chez un analyste affectée par ses recommandations peut ne pas être anormale en soi : une validation par le marché de la pertinence d’une recommandation est une réussite, si celle-ci a été argumentée et déterminée sans pression du management ou de client. Cependant, le résultat global concernant la nature des recommandations est un peu décevant, car deux points peuvent être observés parmi les réponses : des discussions avec le management peuvent influencer, à un niveau élevé (33%), la recommandation (ceci concerne aussi les analystes indépendants), et le taux de participation à ces questions est faible (68%), un signal plutôt négatif.
 Pourquoi considérer que des discussions sur la nature des recommandations avec le management ne sont pas nécessairement positives ? Car, dans le cas d’un analyste ou d’un gérant qui, à l’issue de la discussion avec son management, est influencé au point de changer sa recommandation : le fait-il parce qu’il est convaincu par la qualité de l’échange, ou le fait-il parce qu’il craint que la nouvelle recommandation conditionne la satisfaction du management à l’égard de son travail ?

... et pressions et conflits d’intérêt de la clientèle

Les conflits d’intérêt existent, à titre privé ou dans le cadre des affaires menées, entre l’analyste financier ou le gérant d’actifs les entreprises engagées dans une relation commerciale (dont les roadshows).
Pour preuve, 19% des répondants indiquent qu’ils sont autorisés par leur employeur (ou ne savent pas s’ils le sont ou pas) à détenir des titres des entreprises analysées. Selon nous, cela ne devrait jamais être le cas car cela entraîne un conflit d’intérêt évident.
Le sujet de la conduite de roadshows est également central dans l’évaluation de l’indépendance car il concerne plusieurs maillons de la même chaîne des relations entre l’entreprise et le mandaté pour une opération financière donnée. En effet, 13% des répondants signalent la possibilité d’un changement de recommandation comme condition à l’obtention d’un roadshow et 18% indiquent que l’exercice d’un roadshow implique un rapport plus humain que d’ordinaire, ce qui peut exercer une influence sur l’objectivité.
Par ailleurs, une autre importante, voire très importante, pression est exercée sur les analystes financiers et les gérants dans le cadre des recommandations et valorisations : celle de la part d’entreprises, ou du groupe d’appartenance du répondant, lors de l’exercice de la politique de vote ou d’engagement (15%). Et la pression exercée l’est encore davantage de la part des entreprises suivies pour modifier des recommandations ou valorisations (20%).
Enfin, la pression exercée de la part de gérants pour modifier des recommandations ressort également à un niveau important (11%).

L’importance d’un code de déontologie interne

L’existence d’un code de déontologie promouvant l’indépendance des analystes et gérants est loin d’être garantie : la moitié des participants ont répondu « non » ou « ne sait pas ». Or, c’est un sujet fondamental, puisque le code de déontologie concerne le professionnalisme et l’éthique du salarié dans le contexte des marchés financiers, très réglementés. Un élément encourageant toutefois : s’il en existe un, l’indépendance s’avère meilleure, cependant pas totale. Les réponses des sondés font ressortir que les cas de rémunération variable liée aux recommandations et les cas de pression managériale sont alors moitié moindres. Dans le cas des pressions exercées par les clients, l’existence d’un code de déontologie promouvant l’indépendance des analystes et gérants a un effet positif mais pour une maigre différence (8% au lieu de 13% des sondés indiquent que l’obtention d’un roadshow peut être conditionné à un changement de recommandation). Enfin, au sujet de l’autorisation ou pas de détenir des titres des entreprises analysées par l’analyste, 6% des répondants (au lieu de 10% s’il n’existe pas de code de déontologie) indiquent qu’ils sont autorisés et 1% (au lieu de 9%) ne le savent pas.

MiFID 2 : un impact en-dessous des attentes

L’impact de la réglementation MiFID 2, mise en place en 2018, s’avère neutre, voire décevant, qu’il s’agisse :

  • de la politique de rémunération et l’indépendance vis-à-vis du management,
  • du niveau d’indépendance dans la relation entreprise/mandaté, ou encore de la capacité à résister aux pressions dans les demandes des clients.

(1) Seuls les membres ayant indiqué exercer les métiers suivants ont été comptabilisés car concernés par le sujet de l’enquête : allocataire d’actifs, analyste, auditeur, avocat, banquier d’affaires, banquier privé, commissaire aux comptes, conseil en gouvernance, conseil et expertise en finance, conseil financier, CIF, consultant, direction financière, direction générale, gérant, investisseur, risk manager prm, stratégiste, trader, vendeur.
(2) Un résultat comparable à la répartition hommes/femmes au sein des membres de la SFAF en 2024 : 74% d’hommes et 26% de femmes.