C'est un fait : le marché des crypto-monnaies ne cesse de croître. Au-delà des aspects juridiques étudiés aujourd'hui par les autorités, un réel défi majeur apparaît sur le plan écologique. A l'horizon 2020, la consommation d'électricité liée au minage devrait être responsable de 2,5% des émissions de CO2 de la planète. Explications d'Ahmed Joudad, Head of Specialists chez Thomson Reuters.
On dénombre actuellement 1591 crypto-monnaies, avec une large dominance du Bitcoin qui s'accapare 37% de part de marché. Et la taille de ce marché ne cesse de croître : il représente actuellement plus de 400 milliards de dollars de capitalisation.
Le Bitcoin est une monnaie numérique qui utilise la Blockchain, une sorte de registre sous forme de blocs, où toutes les transactions sont vérifiées, enregistrées et sécurisées grâce à des mineurs. Le mineur met la puissance de calcul de ses machines à la disposition du réseau en échange de Bitcoin. C'est de cette manière que le protocole initial du Bitcoin prévoit leur attribution.
Certaines sociétés se sont donc spécialisées dans le minage de crypto-monnaies en créant des cartes avec des circuits intégrés spécialement dédiés pour optimiser le processus de minage. BITMAIN Technologies en est le leader avec 70% de part de marché, ce qui d'ailleurs pose un sérieux problème quant au principe de décentralisation promis par la technologie Blockchain.
Au-delà du matériel et des ressources requises pour faire fonctionner une ferme de minage, le principal facteur à considérer pour une telle installation dans un pays reste le coût de l'électricité. Ainsi en Chine, ce coût est inférieur à 9 centimes de dollars par KWh, et peut descendre jusqu'à 4 centimes de dollars par kWh en fonction des accords avec les autorités locales.
En Europe, où le coût oscille entre 14 et 35 centimes de dollars par kWh, il est difficile de concevoir une activité de minage très rentable. L'Islande est un des rares pays qui utilisent les énergies renouvelables et qui attirent les mineurs, car le pays dispose d'une énergie propre et peu chère grâce aux installations géothermiques et hydroélectriques.
Selon « l'International Energy Outlook » publié en septembre 2017, la Chine produit 72% de son électricité grâce au charbon mais ambitionne d'augmenter la part du renouvelable à 34% en 2040. En attendant, chaque kWh produit par du charbon occasionne environ 1,15 Kg de CO2 , ce qui amène l'émission des crypto-monnaies selon nos estimations à plus de 145 millions de tonnes de CO2 par an.
A ce jour, le minage des crypto-monnaies consomme plus d'électricité que des pays comme l'Egypte, la Malaisie ou la Pologne et émet autant de CO2 que le Pakistan, l'Algérie ou les Pays-Bas.
A l'horizon 2020, la consommation d'électricité liée au minage atteindra 4% de la consommation mondiale et sera responsable de 2,5% des émissions de CO2 de la planète .
C'est un défi majeur qui attend la communauté européenne, qui multiplie les initiatives écologiques et les programmes de développement durable mais sera confrontée dans un avenir proche au désastre écologique que représentera le minage des crypto-monnaies sur notre planète.
Ahmed Joudad, Head of Specialists chez Thomson Reuters, est intervenu dans le cadre de l'alumni SFAF du 18 avril 2018 qui s'est déroulé chez Thomson Reuters sur le thème « Analyse & comptabilité intégrées ».
La revue Analyse financière propose dans son édition 67 d'avril 2018 un dossier spécial intitulé « Finance verte pour croissance durable » et traitera le sujet de la Blockchain dans son focus de l'édition 68, à paraître en juillet 2018.
Calcul qui tient compte des émissions de CO2 liées au transport, à la production et au traitement du charbon lui-même.
Cette estimation est basée sur une augmentation moyenne de 12% par mois du minage de blocs et une consommation d'électricité 2 fois supérieure par rapport au niveau actuel due à l'utilisation croissante des circuits intégrés.