« L'analyse extra-financière est essentielle pour nos métiers et pour notre avenir en termes de finance durable », a souligné Anne Bellavoine, vice-présidente de la SFAF, en ouverture de la conférence « L'analyse extra-financière : de la théorie à la pratique » du 23 mai 2019 dans les locaux de la FBF.
Pour Fanny Houlliot, associée au sein du département Développement durable de KPMG : « Les états financiers à eux seuls ne suffisent plus à établir la performance et la valeur d'une entreprise ». C'est pourquoi, depuis plus de 20 ans, les entreprises fournissent des informations complémentaires : de développement durable, extra-financières, de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) ou encore d'Environnement, Social et Gouvernance (ESG) dont la vérification externe reste limitée à quelques indicateurs.
La France, pays pionnier en matière de réglementation
En France, la loi NRE (Nouvelles régulations économiques) a imposé, dès 2002, aux sociétés françaises cotées de communiquer des informations extra-financières dans leur rapport de gestion. La loi Grenelle II de 2010 a élargi ces dispositions aux entreprises non cotées et a rendu obligatoire leur vérification. L'article 173 de la loi sur la transition énergétique de 2015 a ensuite imposé la publication, par les investisseurs institutionnels, des critères ESG considérés dans leur stratégie. Enfin, la directive européenne sur le reporting extra-financier impose aux sociétés visées l'établissement d'une Déclaration de performance extra-financière (DPEF) qui doit être intégrée à leur rapport de gestion et être rendue publique sur leur site. « Entre l'approche scolaire des dispositions de l'article 225 de Grenelle II, qui visaient l'exhaustivité, et la démarche plus intégrée de la DPEF, qui prône une approche par les risques en adoptant les principes de pertinence, de matérialité ou de transparence, le changement de paradigme est total », remarque Fanny Houlliot.
L'ESG, quelle réalité pour la finance ?
La DPEF soulève des questions en matière d'interprétation et nécessite des définitions claires de la part des investisseurs quant aux critères retenus, comme l'ont souligné les intervenants de la première table ronde.
Martine Léonard, responsable de la gestion et de l'analyse ISR au CM CIC-AM, confirme la généralisation très forte de l'extra-financier dans les métiers de la gestion et de l'analyse.
Pour Émilie Béral, directrice des opérations de Vigeo Eiris, l'intégration des facteurs extra-financiers se constate également dans les pratiques d'investissement (exclusion, pratiques d'engagement, best in class…) mais aussi dans le développement et l'appétit grandissant des investisseurs pour d'autres types d'actifs tels que les obligations vertes.
Or, regrette Pierre-Yves Gauthier, analyste chez AlphaValue, « la réinterprétation par les analystes de cette information dans un raisonnement de type conclusions boursières impose de nouvelles façons de travailler ». De par la quantité et la diversité des indicateurs, « l'ESG est beaucoup trop "data intensive" pour pouvoir être vendue à son prix de revient ».
Alban Eyssette, analyste éthique et financier chez Ethiea Gestion, reconnaît les efforts importants des émetteurs pour communiquer : « L'information devient plus concrète et incarnée, même s'il reste des progrès à accomplir, notamment dans les descriptions du modèle d'affaires ». Sur la méthodologie, il souligne : « Plus que le best in class, il faut revenir aux fondamentaux. La valeur ajoutée d'un analyste repose sur son jugement et non sur le fait de cocher des croix dans un tableau ».
Responsable du pôle performance, reporting et innovation de Sanofi, Emmanuelle Cordano reconnaît la difficulté de travailler avec des référentiels différents (Global Reporting Initiative, Task Force on Climate-related Financial Disclosures pour les enjeux climat…) et appelle de ses vœux un minimum de normalisation : « Une base identique pour certains indicateurs devrait être imaginée, non pas par un organisme privé comme l'International Accounting Standards Board, mais par des investisseurs et des analystes réunis autour d'une même table. Pourquoi pas à l'initiative de la SFAF ? ».
La SFAF certifie l'ESG
En attendant les réponses à la consultation de la Commission européenne sur une taxonomie et une labellisation des fonds, et pour répondre aux besoins de montée en compétences des analystes et des investisseurs, la SFAF a mis au point un certificat ESG européen – CESGA® comprenant de nouvelles formations, notamment sur l'analyse ESG, la gouvernance et l'impact investing.
Lors de la seconde table ronde, Corinne Baudoin, administratrice et présidente de la commission Analyse extra-financière de la SFAF, consultante en communication financière et RSE, expose le contenu du certificat accessible entièrement en ligne et les différents praticiens présentent l'objectif des formations proposées en présentiel.
En conclusion des débats, Catherine Brennan, chargée de recherche en RSE et développement durable de Birdeo, a délivré son point de vue d'expert en ressources humaines sur les tendances du marché et sur le profil idéal de l'analyste extra-financier.