Virginie Robert, spécialiste reconnue des actions nord-américaines, livre son analyse sur l'après-élections américaines. Après avoir travaillé pour différentes institutions financières (Paribas Paris et Londres, Lazard Frères Gestion et Montpensier Finance), elle est aujourd'hui directrice de la gestion & Co-fondatrice et associée de Constance Associés.
Alors que Donald Trump vient de prendre ses fonctions, que peut-on anticiper pour les prochains mois ?
Aujourd'hui, on peut se poser la légitime question de savoir si le président Trump suivra le candidat Donald dans la mise en œuvre des propositions parfois jugées radicales telles que présentées lors de sa campagne électorale. Les déclarations ont permis d'anticiper quelque peu les premières mesures : l'accent est clairement mis sur la croissance économique via une politique budgétaire agressive (des baisses d'impôts pour les entreprises et les ménages couplées à un programme d'investissement dans les infrastructures), un allègement des réglementations et une révision des accords commerciaux. A priori, ce bouquet de mesures apparaît plutôt « business friendly ». Mais sont aussi évoqués la lutte contre l'immigration illégale et davantage de protectionnisme.
Au total, c'est un cocktail de questions pour l'avenir qui n'a pas manqué d'animer les marchés financiers car il est difficile d'y voir clair. Quelques certitudes : Donald Trump confirme l'interventionnisme dont il compte faire preuve, en particulier vis-à-vis des entreprises américaines sur le sujet de la délocalisation, mais aussi sur celui de la maîtrise des coûts dans les secteurs de la défense ou encore de la santé. Sa priorité est la création d'emplois. Cependant, le marché fait face à de nombreuses incertitudes, s'agissant des dossiers de la fiscalité et de la dépense publique, sujets clés de la relance économique. Ces dossiers seront largement débattus au Congrès et, pour certains, la partie est loin d'être gagnée alors que ce dernier risque de juger très imprudent une flambée violente de la dette.
Dans leur enthousiasme, dans un premier temps, les marchés n'ont voulu voir que la bonne idée mais se sont écartés de la réalité de la mise en œuvre de ces promesses. Le marché n'étant pas trop patient, certains secteurs tels que l'industrie ou les matières premières, grands gagnants de l'après élection, pourraient corriger à la baisse. Pour les semaines à venir, les stock-pickers pourraient reprendre l'avantage sur les marchés actions à l'opposé des marchés dits de momentum de 2016, et cela alors même que nous jugerons des résultats des entreprises. On note, depuis le début de l'année, de meilleures performances des secteurs de la consommation discrétionnaire ou de l'info-tech, secteurs défavorisés en 2016. Enfin, alors que le sentiment est partagé, la tâche est compliquée pour les analystes dans l'établissement de leur projection des résultats compte tenu de ces incertitudes.
Le rééquilibrage et le momentum favorables à certains secteurs ne doivent pas occulter un élément essentiel : l'économie américaine est largement dépendante de ses entreprises championnes en matière d'innovation et de sa capacité à créer de la valeur à long terme pour l'investisseur. Comme toujours, tous les acteurs ne seront pas gagnants. Et comme toujours, nous devons être très sélectifs dans nos investissements, en intégrant les tendances structurelles du monde économique : plus de digitalisation, plus de discrimination de la part du consommateur, plus de sécurité…
Que penser de l'orientation de la politique monétaire ? Et des relations entre le Gouvernement et la Réserve Fédérale ?
À la surprise générale, les marchés ont répondu rapidement à l'élection de Donald Trump. L'effet le plus marquant est certainement l'arrêt du rallye obligataire en cours depuis de nombreuses années. Dans le sillage de la victoire de Donald Trump, les taux souverains ont entamé une remontée sensible. Sera-t-elle durable ? À court terme, cela donne certainement de l'espace à la Fed pour légitimer sa volonté de « normaliser » les taux directeurs. À moyen-long terme, il faut raison garder : s'agissant des décisions du gouvernement, si les grandes lignes de la politique économique se précisent jour après jour, il faudra attendre les textes définitifs pour lever les incertitudes au cours de 2017. C'est d'ailleurs ce qu'il faut retenir des dernières « minutes » de La Fed qui parle d'incertitude considérable. Comment accorder la politique monétaire à une nouvelle politique budgétaire encore floue ? Une accélération de la croissance pourrait aboutir à une politique monétaire plus restrictive mais, dans une situation de quasi plein-emploi et de retour d'inflation, des hausses de taux précipitées pourraient casser le ressort. Finalement, la Fed va encore être attentiste. Plus récemment, la confiance des marchés dans la capacité du nouveau président à faire passer ses réformes semble s'amoindrir. Si la tendance reste globalement au durcissement monétaire, il est impossible de prévoir ni le calendrier ni l'ampleur des hausses des taux.
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