Les ETF actifs sont peu connus en Europe, alors qu’ils représentent déjà un important relais de croissance pour les ETF aux Etats-Unis. Quelle réalité se cache derrière cette appellation ? Quelle est la valeur ajoutée de ces nouveaux produits dans une allocation d’actifs ? Quel est leur poids dans les portefeuilles actuels des investisseurs ?
La prolifération de nouveaux types d’ETF (actifs, smart beta, factoriels, thématiques…) a brouillé la frontière entre ETF actifs et passifs. Marlene Hassine Konqui, membre de la commission ETF de la SFAF, et Ahmed Khelifa, président de la commission, font le point sur ce sujet d’actualité.
Quelle réalité se cache derrière l’appellation d’ETF actifs ?
L’appellation ETF actif, relativement nouvelle dans le paysage UCITS, est parfois floue. Dans sa définition la plus orthodoxe, cette appellation a le même sens, en termes de techniques de gestion, que la gestion active traditionnelle. Ce terme regroupe, en effet, des instruments alliant les bénéfices de la gestion active, en identifiant les opportunités au sein d’un univers donné afin d’offrir à l’investisseur un rendement potentiellement supérieur à celui de l’indice de référence à ceux spécifiques au fonctionnement d’un ETF, comme la liquidité continue et la transparence.
Dans sa définition la plus large, cette appellation regroupe aussi des stratégies spécifiques comme les ETF de smart béta, car le choix de l’indice et la construction du portefeuille (qui ne réplique pas simplement l’indice) représentent une décision d’investissement active.
Des études académiques ont tenté de clarifier la question. Dans leur article « The Active World of Passive Investing » (Review of Finance, 2021), David Easley et al. ont donné une définition intéressante des ETF actifs. Ils mettent en avant que les ETF peuvent jouer un rôle actif dans la gestion d’actifs de deux manières :
- Dans la première, les composants de l’ETF sont eux-mêmes gérés activement par l’émetteur de l’ETF, avec l’objectif d’obtenir un rendement excédentaire ajusté au risque, ce qu’ils appellent « actif dans la forme » ;
- La deuxième est quand l’ETF est conçu pour suivre un segment étroit du marché (par exemple, un secteur, smart beta, facteurs) et peut donc être utilisé par les investisseurs actifs comme un moyen efficace de parier sur une exposition particulière, ce qu’ils appellent « actif par sa fonction ».
Quelle valeur ajoutée apportent les ETF actifs à une allocation d’actifs ?
La réponse diffère selon la classe d’actifs. Nous allons donc aborder le sujet en premier lieu pour les obligations, ensuite pour les actions en ce qui concerne les ETF actifs dans la forme.
Les ETF obligataires actifs permettent de concilier l’apport de liquidité des ETF avec une gestion active de la duration et du risque crédit. Les indices obligataires classiques pondèrent les titres en fonction de la taille de l’émission. A contrario, un ETF obligataire actif pourra modifier les pondérations pour permettre de mieux contrôler le risque de crédit et/ou de taux et faire varier l’allocation en fonction des conditions de marché.
Les stratégies de gestion active peuvent aussi fournir une exposition efficace et dynamique à certains critères d’investissement, notamment par exemple les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance à partir de l’analyse du gérant.
Parce qu’ils ne sont généralement pas contraints par un indice, les gérants de stratégies actives peuvent ainsi mettre en avant les sociétés pour lesquelles ils ont le plus de convictions. Enfin, les ETF de gestion active présentent l’avantage de pouvoir répondre rapidement à des chocs de marché en modifiant la composition du portefeuille au cours de la journée et, ainsi, éviter les contraintes auxquelles auront à faire face les gérants indiciels.
Quel est le poids actuel des ETF actifs dans les portefeuilles des investisseurs ?
En Europe, les ETF actifs au sens strict ne représentent encore que 2% des encours totaux des ETF. Toutefois en 2022, ils captent près de 7% des flux, alors qu’ils étaient quasi inexistants en 2019, comme le montre le graphique ci-dessous. Le troisième trimestre de 2022 confirme cette tendance : les ETF actifs continuent à collecter plus de 700M€ alors que le marché des ETF dans son ensemble décollecte près de 8Md€.
Part des ETF actifs dans la collecte ETF depuis 2019
Source : BSD Investing, Morningstar. Données entre le 01/01/2019 et 30/09/2022.
Si l’on réintègre les flux vers les ETF de smart beta à ceux des ETF actifs, les ETF gérés activement dans le monde représentent 22% des encours et 36% des flux cette année. En Europe, c’est 8.5% des encours et 11% des flux de 2022.
Il sera intéressant de suivre de près le test grandeur nature du développement de ce type d’ETF, qui n’en sont aujourd’hui qu’à leurs prémices en Europe.