La Société française des analystes financiers (SFAF) publie un code de déontologie à destination de ses membres. Ce texte expose les principes d'intégrité, d'indépendance, de compétence et d'organisation que doivent respecter les analystes dans l'élaboration et la diffusion de leurs analyses. Outil conçu par les experts de la commission Déontologie de la SFAF, ce code a d'abord une finalité pratique. Il s'adresse à tous les membres de l'association, salariés ou non, et quelle que soit la cible de leurs pratiques de l'analyse financière. Il a pour but de les éclairer dans l'exercice de leur fonction et s'impose à eux.
Pourquoi la SFAF a-t-elle voulu un tel code de déontologie ?
Antonio Moreno (président de la commission Déontologie et co-rédacteur du code) : La SFAF s'est préoccupée depuis l'origine de la déontologie en ayant inscrit dans l'article 10 de ses statuts l'obligation de respecter scrupuleusement les règles de la déontologie professionnelle. La forme a évolué et, à partir de la fin des années 80, la SFAF a édicté un code de déontologie auquel tout membre doit se conformer.
Préserver l'intégrité des marchés, défendre l'intérêt des investisseurs, tels sont les buts poursuivis par notre association. Aussi a-t-elle voulu que tous les professionnels passant par son Centre de formation à l'analyse financière puissent acquérir les fondamentaux de la déontologie. Ce fut le cas du diplôme SFAF, puis du CEFA, diplôme européen, et de l'actuel CIIA, diplôme d'analyse international.
En 2003, le Conseil des marchés financiers a estimé opportun, après avis de l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (AFECEI) de recommander, à l'ensemble des prestataires habilités, tout ou partie des dispositions du code de la SFAF.
Le code de la SFAF n'est jamais resté figé car la réglementation et les métiers de la finance ont connu de fortes évolutions. MiFID I et MiFID II, Abus de marché, Prospectus, Transparence, ESEF pour ce qui concerne la réglementation. Analyse crédit, analyse extra-financière, analyse immatérielle, Normes IFRS, compliance, communication pour les métiers. Sans oublier l'arrivée des nouveaux moyens de communication qui sont à la croisée des métiers et de la réglementation.
Le code de la SFAF ne se veut pas un règlement général bis. Il vise à aider tout membre de la SFAF à mieux intégrer la réglementation et les bonnes pratiques nécessaires à l'exercice de son métier, pris au sens le plus large de l'analyse financière, de la collecte et production d'informations à leur diffusion et utilisation.
Ce code est d'abord un guide fait par des praticiens pour des praticiens de l'analyse financière. C'est un objet vivant, qui sera actualisé chaque année.
En tant que teneur de plume de sa refonte, pouvez-vous nous indiquer quels sont les principaux points de ce code ?
Philippe de Vecchi (membre de la commission et co-rédacteur du code) : La commission Déontologie a mis l'accent sur la pédagogie. Les textes réglementaires foisonnent et, même si nul n'est censé ignorer la Loi, il est difficile de retrouver son chemin. Avec ce code, le membre SFAF doit trouver une réponse à chaque situation opérationnelle précise sur laquelle il s'interroge. La Position Recommandation du Guide de l'analyse financière publié en 2013 répondait à ce principe. Sa suppression fin 2020 a été justifiée en raison de l'évolution de la réglementation et de l'absence d'actualisation de ce document alors que le code monétaire et financier a intégré directement les Directives et règlements européens.
Indépendance de l'analyste, conflits d'intérêt, diffusion des recommandations… les sujets d'interrogation sont nombreux pour tout analyste, qu'il soit salarié, sous-traitant ou analyste « non PSI ». Le code est un outil pratique qui l'aide à décrypter la réglementation qui s'impose à lui, à détecter les zones grises auxquelles il peut être confronté dans le cadre de son activité, à préciser ses questions à son responsable conformité ou à son conseil.
L'analyste financier se doit d'être une personne curieuse qui recherche une information pour asseoir sa réflexion. Il doit la confronter à l'information qu'il reçoit de l'émetteur et de toute autre source. Il doit l'analyser, la vérifier, la confronter. Mais toute information peut-elle être utilisée ? Il ne doit pas bien sûr utiliser une information privilégiée. Il doit aussi se tenir éloigné de toute pression, amicale ou non, d'où qu'elle provienne, émetteur, employeur ou investisseur. C'est ce que rappelle le code de la SFAF. A cet égard, l'analyste doit révéler tous les conflits d'intérêt potentiels ou avérés qui entourent son travail car il doit avoir un seul objectif, conseiller au mieux l'investisseur dans l'intérêt de celui-ci. En conséquence, l'analyse produite doit être loyale. Ce code SFAF, c'est aussi un outil de confiance.
Quel est le rôle de la commission Déontologie au sein de la SFAF ?
Anne Bellavoine (vice-présidente de la SFAF, vice-présidente de la commission et co-rédactrice du code) : Le premier rôle de la commission Déontologie de la SFAF est de conseiller. Tout membre de la SFAF peut demander à notre commission son avis et celle-ci analyse et commente, si nécessaire anonymement.
La commission a naturellement agi en ce sens dans différentes circonstances, soit dans un conflit avec un émetteur, soit dans un conflit avec l'employeur. Elle a aussi accompagné certains de ses membres devant la Commission des sanctions de l'AMF.
Le métier d'analyste repose sur une pratique rigoureuse mais aussi sur une solide capacité à résister aux pressions. La commission Déontologie a un rôle de conseil de ses membres mais aussi un rôle de défense.
Lors de la préparation d'une opération financière par un émetteur (donc pas encore publique), ce dernier peut regretter qu'un analyste sorte une opinion neutre ou négative. Les pressions qui s'exercent alors sur l'analyste ou sur le bureau d'études peuvent s'analyser comme une confrontation du pot de fer contre le pot de terre.
L'intimidation est un moyen utilisé dans ce genre de pratique. L'année 2020 a été marquée par un fait qui ne s'était pas produit depuis longtemps avec la pression d'un probable investisseur sur un analyste financier. La SFAF a voulu marquer son soutien résolu auprès de cet analyste, début septembre 2020.
L'importance prise par le vote en assemblée générale a été mise à l'épreuve lors de la crise du Covid-19 avec les assemblées générales à huis clos. Le dispositif mis en place dans l'urgence devrait être amélioré pour empêcher là encore l'influence de l'émetteur sur une décision d'un gérant.
Il peut y avoir aussi des demandes précises de membres qui s'interrogent sur le fonctionnement de la pre quiet period.
Pour pouvoir faire face à ces situations multiples, la commission est composée de membres issus des différents métiers de la profession : bureaux d'études, responsables conformité, analystes opérations financières, experts judiciaires, banquiers privés. Certains ont exercé différents métiers et ont une longue expérience de la profession.
Au delà de l'accompagnement des membres SFAF, la commission Déontologie est une commission transversale. Elle suit notamment de près les travaux du groupe de travail Gouvernance de la commission Analyse extra-financière.
La nouvelle édition du code de déontologie de la SFAF est téléchargeable via ce lien.